Addendum du 17/10/2014 – Brigades continentales : Appel aux dons de matériel médical – OTAN en emporte les dents
Addendum du 15/09/2014 – Victor Lenta / Unité Continentale : “nous sommes anti-impérialistes“
Addendum du 13/09/2014 : Les combattants français pro-Poutine
Sous les ordres du “Prophète”, les militants anti-impérialistes ne semblent pas très à l’aise sur le terrain. Aucun ne parle russe et ils doivent communiquer par gestes. Dans les faits, ils restent à l’arrière, loin des lignes ennemies.
Émission “L’Effet Papillon” diffusée sue Canal+ le 13/09/2014
Des nouvelles du Commando Michel Strogoff… “coupé du monde par manque de communication“…
Groupe franco-russe “search & destroy”, noyau des volontaires.
Il y a aussi “des Serbes et des Suisses” parmi ces combattants qui se battent pour “les idées européennes du socialisme”, a-t-il poursuivi. Il a cité en référence l'”égalité, la fraternité, la Révolution française, la Marseillaise”. Le fait que des Français viennent combattre “pour des idéaux qui ont conduit à la prise de la Bastille signifie que la nation française ne meurt pas“.
Il pleut ce 9 juillet sur la place Blaha Lujza, dans le centre historique de Budapest. Quatre jeunes hommes de forte carrure entrent dans un bar, jettent des regards méfiants autour d’eux et commandent des bières dans un anglais approximatif. « Personne ne sait que nous sommes ici », souffle Victor Lenta, 25 ans, ancien caporal du 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) ayant servi en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et au Tchad.
« J’ai hâte de montrer aux Ukrainiens ce que valent les paras français. »
Cet ancien soldat tricolore et ses trois camarades ont pris un vol Paris-Moscou le 20 juin et sont descendus pour deux semaines à Rostov-sur-le-Don. Cette ville charmante du sud de la Russie, à 80 kilomètres de la frontière ukrainienne, est la principale base arrière de la rébellion séparatiste.
De là, les quatre Français se sont rendus dans la capitale hongroise, afin d’obtenir, par le biais d’un réseau local, des visas russes de longue durée. « Ça permettra de nous réfugier en Russie si les choses tournent mal dans le Donbass. »
« Combattre aux côtés de nos frères russes »
C’est Nikola Perovic, Franco-Serbe de 25 ans, ancien caporal-chef du 13e bataillon de chasseurs alpins ayant combattu en Afghanistan, qui énonce le projet : ” Nous partirons très prochainement dans l’est de l’Ukraine pour combattre aux côtés de nos frères russes. ”
Les deux autres demandent à rester anonymes. Michael ” MMA “, 26 ans, et Guillaume ” le Normand “, 25 ans, n’ont pas de parcours militaire. Craignant une infiltration, ” ou pire “, ils se tiennent le plus loin possible des autorités et des services français.
Le plan ne s’est pas déroulé comme prévu. Après un mois d’attente, ils ont obtenu seulement des visas de courte durée. Retourné à Rostov-sur-le-Don le 7 août, Nikola Perovic a été acheminé à Donetsk trois jours plus tard, devenant à ses dires le premier combattant français à rejoindre les rangs de la sécession prorusse.
Guillaume, Michael et Victor, eux, ont été interceptés le 6 août par les services secrets russes à l’aéroport Vnukovo de Moscou et renvoyés en Hongrie. ” C’est la preuve que nous ne sommes pas aidés par la Russie “, claironne Guillaume. Ils ont alors rallié Kharkov, deuxième ville d’Ukraine, à 300 kilomètres du front, et ont rejoint Nikola Perovic le 18 août. ” Sommes à Donetsk, réunis, en armes, en uniforme dans une unité de la DPR – “République populaire de Donetsk” autoproclamée en avril> “, affirment-ils dans un SMS reçu le 20 août.
Qui sont ces Français qui combattent l’armée ukrainienne aux portes de la Russie ? Ces quatre-là affirment être les fondateurs d’un mouvement ultra-nationaliste nommé Unité continentale, un groupuscule dont la page Facebook affiche près de 2.000 ” J’aime ” et qui réunit une vingtaine de militants depuis janvier 2014.
A son actif, des manifestations en France et en Serbie en faveur du président syrien Bachar Al-Assad ou pour la libération du nationaliste serbe Vojislav Seselj, accusé de crimes contre l’humanité par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.
Tous ont fréquenté, de près ou de loin, des groupuscules d’extrême droite radicale. Victor Lenta s’est fait un nom à Toulouse après avoir été rendu à la vie civile en avril 2012. Il y a codirigé les Jeunesses identitaires et participé au développement de la section locale des Jeunesses nationalistes. Proche du Lys noir, un groupuscule putschiste prônant un coup d’État militaire, il est par ailleurs mis en cause et témoin assisté dans une affaire d’agression sur la personne d’un étudiant chilien à Toulouse en avril 2012.
Dans son livre Vol au-dessus d’un nid de fachos paru en janvier 2014, le journaliste Frédéric Haziza affirme que Victor Lenta a été renvoyé de l’armée pour avoir participé avec le groupuscule néonazi Languedoc War à l’incendie d’une mosquée à Colomiers (Haute-Garonne) en avril 2008. Victor Lenta a porté plainte pour diffamation.
Guillaume ” le Normand ” est militant depuis une dizaine d’années, d’abord comme sympathisant des Jeunesses identitaires et du Parti de la France, puis comme membre du mouvement skinhead Troisième voie, dissout par décret en juillet 2013 à la suite de la mort du militant d’extrême gauche Clément Méric.
Michael, lui, a participé à Paris à des manifestations de soutien à Bachar Al-Assad et a pris part en hiver 2013 à l’opération ” Noël en Syrie “, organisée par l’association SOS chrétiens d’Orient. Nikola Perovic, enfin, revendique des contacts dans diverses organisations radicales en France et en Serbie, mais n’a jamais formalisé son engagement.
Pour ces quatre-là, la Russie serait le dernier rempart contre la mondialisation libérale, qu’ils estiment ” responsable de la déliquescence des valeurs nationales et de la perte de souveraineté de la France “. ” Nous sommes en guerre, et il s’agit d’une guerre mondiale “, affirme Guillaume ” le Normand “, avant une comparaison hasardeuse entre les séparatistes pro-russes d’Ukraine et les Forces françaises libres de la seconde guerre mondiale.
L’argent, martèlent-ils, n’est pas la raison de leur engagement. ” Nous avons économisé pendant plusieurs mois et lancé des appels aux dons sur les réseaux sociaux pour réunir les fonds nécessaires à notre départ “, poursuit Guillaume ” le Normand “.
La mission de ces militants français aux côtés des insurgés est toute trouvée. Joints par téléphone le 14 août, Nikola Perovic et Victor Lenta affirment qu’Unité continentale a été chargée par les responsables des forces armées de la ” République populaire de Donetsk ” de recruter, d’acheminer en Ukraine et de former au combat les recrues venues de pays européens – quelques Allemands, des Espagnols, des Tchèques et des Norvégiens les ont déjà rejoints.
Tous partagent les mêmes conceptions ultranationalistes et anti-atlantistes, fortement influencées par les idées du théoricien politique russe Alexandre Douguine.
” La filière est désormais active. Nous sélectionnons les personnes avec un CV militaire, ou au moins une expérience de militant nationaliste “, affirme Nikola Perovic, qui dit ne pas vouloir de “ Pieds nickelés à la recherche de sensations fortes “. Cinq autres Français souhaitant rester anonymes auraient été acheminés à Donetsk par Unité continentale au cours de la deuxième semaine d’août. ” D’autres Français sont en route “, conclut Nikola Perovic.
C’est le réseau nationaliste russe Dobrovolets (” volontaire “) qui permet à Unité continentale d’acheminer ainsi des combattants. Comptant près de 7.000 membres ” de Kaliningrad à Vladivostok “, Dobrovolets se présente comme une ” organisation humanitaire ” acheminant médicaments, nourriture et équipement militaire pour les séparatistes.
Dans les faits, Dobrovolets opère comme une véritable direction des ressources humaines de la rébellion, en lien avec les responsables des forces armées de Donetsk et de Lougansk. Avec l’intensification du conflit en mai, la nébuleuse Dobrovolets a acheminé des combattants volontaires venus de Russie, des anciennes républiques soviétiques et d’Europe occidentale, créant une Première Brigade internationale intégrée à l’armée séparatiste, au sein de laquelle opèrent les Français.
Rencontré à Rostov, le 18 juillet, dans un restaurant japonais à la mode, Pavel, dit ” Penza “, a été éborgné par l’explosion d’un obus lors de la bataille de Saour-Mogila début juillet. Arborant une longue cicatrice du nez au front, ce sniper taciturne de 28 ans décrit entre deux sushis le fonctionnement de l'” Interbrigada ” : “ Il ne s’agit pas d’une unité en soi, mais d’un réservoir de combattants qui sont répartis en fonction de leurs compétences partout où on aura besoin d’eux. ”
A côté de lui, Iskander, 30 ans, poursuit : ” Si les combattants de Donetsk nous appellent en nous disant qu’ils ont capturé des tanks T-64 ou des lance-missiles portatifs, c’est à nous de trouver parmi les volontaires des personnes capables de les manœuvrer et de leur faire passer la frontière. ” Venu d’Ouzbékistan pour combattre en Ukraine, il a été blessé par balles lors de la bataille pour l’aéroport de Donetsk, le 26 mai, puis évacué vers Rostov pour y être soigné. Tous deux se réjouissent de l’arrivée des Français, qui va permettre, disent-ils ” de faire connaître – leur – combat en Occident “.
Loïc (prénom modifié), 51 ans, ancien officier du renseignement militaire, a combattu en Birmanie aux côtés de la rébellion karen en 1993 et croisé plusieurs fois le chemin du mercenaire Bob Denard (1929-2007). Encore en France, il s’apprête à rejoindre les pro-russes, mais porte un regard sévère sur la filière d’Unité continentale : ” J’ai fréquenté les réseaux de mercenaires des années 1980 et 1990 en Afrique et en Asie du Sud-Est, c’était autrement mieux organisé. Unité continentale est une initiative jeune, qui connaît des revers. Mais quand on veut faire la guerre, la meilleure des écoles est la guerre elle-même. ”
En France, la figure tutélaire des soldats perdus de l’extrême droite est le fameux Gaston Besson, passé lui aussi par la Birmanie avant de former des brigades en Croatie au début des années 1990. Or, ce dernier a pris fait et cause pour l’armée ukrainienne, dans laquelle son bataillon Azov serait, dit-il, composé de plusieurs Français. Si bien que des militants français de l’extrême droite radicale se trouvent des deux côtés du front, chaque camp accusant l’autre de ” romantisme ” et d'” aventurisme “.
Le terrain perdu par les forces séparatistes depuis la fin du mois de juillet n’a pas entamé l’enthousiasme des volontaires français. ” Le terrain se prête à la guérilla urbaine, c’est la pire des choses que puisse rencontrer une armée “, estime Loïc. Victor Lenta et Nikola Perovic, eux, ne cessent de souligner ” l’amateurisme ” de l’armée ukrainienne.
Passibles de poursuites en France pour mercenariat et terrorisme, ces combattants savent qu’ils brûlent leurs vaisseaux. ” Nous n’avons pas acheté de billet retour “, sourit Guillaume. Nikola Perovic, lui, a déjà des plans d’avenir. ” Si on est toujours en vie, une fois cette guerre finie, on ira aider les chrétiens d’Irak et dessouder de l’islamiste. ” Une pause. “ J’espère tout de même revenir en France un jour. ”