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A Kiev comme à Moscou, les autorités ont bien du mal à mater leurs mouvements nationalistes, qui ne rêvent que d’en découdre à nouveau dans le Donbass.

Gazeta.ru

 


Russie : les ultra-nationalistes réclament le… par afp

Nationalistes ukrainiens comme nationalistes russes ont aujourd’hui des griefs à l’égard du gouvernement de leur pays. Les premiers exigent de Porochenko une plus grande reconnaissance de leur participation à Maïdan et sont prêts à poursuivre l'”opération antiterroriste” à l’est. Les seconds, que le projet de Novorossia [Nouvelle Russie] fait rêver, critiquent Poutine pour avoir “reculé” dans le Donbass et aspirent eux aussi à de nouvelles victoires.

Tel est le problème : les fanatiques sont utiles en temps de guerre, mais après on ne sait plus quoi en faire.

Les débats sur une loi qui reconnaîtrait l’Organisation des nationalistes ukrainiens [OUN] et l’Armée insurrectionnelle ukrainienne [UPA] comme des forces ayant combattu pour l’indépendance de l’Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale existent depuis plus longtemps encore que ceux sur le statut de la langue russe.

Dans certaines régions, les autorités locales octroient depuis plusieurs années déjà des pensions et des avantages aux vétérans de ces mouvements.

Le “cadeau” de Porochenko

Porochenko a soutenu l’idée [de cette loi] à partir de septembre, déclarant que c’était le moment opportun pour glorifier le passé, mais il n’est pas parvenu à convaincre les communistes et les élus du Parti des régions [parti de l’ancien président Ianoukovitch], qui siègent encore à la Rada, à se résoudre à une mesure aussi scandaleuse. En guise de compensation, il a fait un autre “cadeau” aux banderovtsy [banderistes, sympathisants de Stepan Bandera, fondateur de l’OUN en 1929] : il a remplacé la Journée du défenseur de la patrie, qui était fêtée selon la tradition soviétique le 23 février, par la Journée des défenseurs de l’Ukraine le 14 octobre, date de la fondation de l’UPA.

Bien que cette date corresponde également à la fête de l’Intercession de la Très Sainte Vierge, dans l’esprit de la majorité des Ukrainiens le 14 octobre est bel et bien associé à la journée de l’UPA : c’est le jour où l’ancien président Iouchtchenko félicitait les vétérans de l’Armée insurrectionnelle, et c’est ce jour-là qu’ont lieu les rassemblements des organisations nationalistes ukrainiennes.

Quoi qu’il en soit, à la veille des élections législatives [le 26 octobre] et d’importants pourparlers avec Poutine à Milan [dans le cadre du Sommet du dialogue Europe-Asie les 16 et 17 octobre], le dirigeant ukrainien a fait un geste tout à fait démonstratif en direction des supporters de ceux qui sont qualifiés de “fascistes” et de “collaborationnistes” non seulement par toute l’historiographie soviétique, mais également par l’actuel discours dominant en Russie.

Le leader ukrainien n’a donc apparemment jugé utile de prendre en compte l’avis ni de la Russie, ni des régions ukrainiennes prorusses. D’un point de vue électoral, le soutien aux nationalistes est encore rentable aujourd’hui pour le pouvoir ukrainien. Le souvenir qu’ils furent sur Maïdan la force sinon la plus nombreuse, du moins la plus dynamique, est encore tout frais.

Les “patriotes” font peur à tout le monde

En période de conflit avec la Russie, le “nationalisme ukrainien” est pratiquement devenu le symbole du “patriotisme ukrainien”, de même qu’en Russie la force motrice du “patriotisme” est “la lutte pour les Russes” d’Ukraine.

Mais à Donetsk et à Lougansk l’écho de la guerre ne faiblit pas, et la population locale (ce qu’il en reste) n’a pas la tête aux dates symboliques. Les villes qui n’ont pas été prises par les séparatistes, comme Odessa, Kharkov, Nikolaev, Zaporojié, et les autres régions russophones n’ont pas été tentées par le “soulèvement”.

Et on a l’impression que les patriotes russes effraient aujourd’hui les habitants du sud-est de l’Ukraine autant que les patriotes ukrainiens.

En Russie même, on n’a pas l’intention de faire honneur aux activistes patriotiques. La mairie de Moscou n’a pas donné son feu vert pour la tenue du meeting baptisé “La troisième bataille pour le Donbass”, ni autorisé “La marche russe” du 4 novembre [fête nationale russe] à se dérouler dans le centre de la capitale. Début octobre, le responsable du site Spoutnik i Pogrom, le nationaliste Egor Prosvirnine, a déclaré que le FSB avait lancé une action contre lui pour extrémisme.

Les chasser de l’arène politique

Il en ira de même en Ukraine – les compagnons de route ultranationalistes de Porochenko ne feront que le gêner sur son chemin vers l’Europe.

Le nationalisme, russe comme ukrainien, a été encouragé par les deux camps pendant la phase brûlante du conflit dans le sud-est : la guerre a besoin de véritables patriotes, prêts à mourir pour la couleur d’un drapeau ou un slogan sublime. La question est désormais de savoir jusqu’à quel point, en Russie comme en Ukraine, on peut chauffer ainsi les esprits nationalistes.Aujourd’hui, ils réclament des pensions pour les vétérans de l’UPA, demain ils lanceront des cocktails Molotov en exigeant la reprise des combats jusqu’à la victoire et en refusant de “trahir la patrie” par des accords avec le “principal ennemi” du pays. Hier, les autres se battaient pour la Novorossia, Poutine et les Russes, aujourd’hui ils critiquent le même Poutine pour sa “reculade”, et ils pourraient très vite devenir des opposants plus farouches que les libéraux de la place Bolotnaïa.

A l’ordre du jour aujourd’hui une question s’impose : comment les chasser de l’arène politique ? En les faisant discrètement intégrer le système, ce qui à l’évidence est en train de se produire en Ukraine, ou en les marginalisant définitivement ? Dans tous les cas, il est temps, pour Kiev comme pour Moscou, de cesser de vouloir en faire des héros de notre temps.

courrierinternational.com

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