Le dégonflage fatal de l’arbre-sex toy de la place Vendôme rappelle que c’est le propre des œuvres satiriques de révéler non pas l’esprit tordu de leur créateur, mais la saleté profonde de ceux qui en sont choqués.
[…] En 1662, Molière inaugure la plaisanterie du «plug anal» dans sa comédie de l’Ecole des femmes. Le personnage de l’innocente Agnès déclare en effet à son vieux tuteur qu’un jeune homme lui «a pris le…» sans oser dire ce qu’il lui a pris. Contrairement à ce qu’imagine ce vieux porc de tuteur, l’article «le» désigne un ruban. Illico, la critique saute au paf de Molière pour lui reprocher son obscénité. Ce dernier écrit du coup une Critique de l’Ecole des femmes pour se défendre, où il met en scène ses détracteurs. […]Deux siècles plus tard, l’Olympia de Manet scandalise les visiteurs du Salon de 1865. Zola s’en amuse comme jadis Molière : si l’Olympia est accusée d’obscénité, c’est, écrit-il, qu’elle «a le défaut grave de ressembler à beaucoup de demoiselles que vous connaissez». Comprenez : le père de famille bourgeois n’a pas envie de voir les putes qu’il fréquente exhibées grand format à la face du monde. […] […] si les réacs avaient lu Hume (qui n’était pas précisément un dangereux communiste homosexuel), ils sauraient que «la beauté n’est pas un attribut des choses elles-mêmes ; elle n’existe que dans l’esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente. Une personne peut même percevoir de la laideur là où une autre est sensible à la beauté, et chaque individu devrait s’accorder à son sentiment propre sans prétendre régler celui des autres». Ce n’est pas d’aujourd’hui, mais de 1757.
A quoi sert l’art ? Entre autres à faire penser et discuter. En ce sens, Tree a plus que rempli ses objectifs. Ce qu’on oublie souvent, c’est que les formes les plus classiques de l’art peuvent aussi être sexuelles : les colonnes, symboles de victoire, ont des élans phalliques. […]
Revoir les Inconnus : Juan Romano Chucalescu