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Quoiqu’il en veuille aux machines, John Mitchell n’est pas un luddite. Écossais d’origine, il vit en France, où il est informaticien. Et il n’a pas envie de casser les ordinateurs. Il serait le premier au chômage et le chômage, c’est ce qu’il combat.

«On m’a demandé une fois lors d’un passage à la télévision: “Vous voulez casser à nouveau les métiers à tisser, c’est ça? Bien sûr que non: mais les patrons, eux, cassent les gens, voire leurs propres machines car il faut sans cesse les renouveler.»

Ce que propose John Mitchell est simple: il veut taxer les machines de sa «cotisation Rose». Rose pour «Robots, ordinateurs et systèmes experts». Le bénéfice de cette taxe servirait à créer des emplois, à assister les chômeurs, à financer des formations, à aider les entreprises à embaucher.

D’ailleurs, il insiste pour éviter tout quiproquo: «Je ne suis pas contre le progrès, bien au contraire. La carte à puce du médecin, c’est formidable, c’est pratique” Mon problème est seulement: que vont devenir toutes les femmes qui saisissaient les feuilles de Sécu? La Sécu va économiser de l’argent, les Assedic vont payer et les gens seront désespérés. C’est anormal, on met les gens en situation de ne plus savoir quoi faire.»
La ville de Bruxelles a adopté une formule de ce type en imposant une vignette sur les ordinateurs. Et 4×8, son association, milite inlassablement pour cette idée en se livrant à des performances sur des lieux de manifestations, comme à Renault-Vilvorde, en distribuant des tracts, organisant des réunions, contactant associations de chômeurs, syndicats, hommes politiques, collant des vignettes militantes à la sauvette sur les ordinateurs ou les distributeurs bancaires, voire en faisant depuis peu du prosélytisme sur le Web.

John Mitchell puise son énergie dans l’autre grande cause qu’il défend, la semaine de quatre jours (avec un week-end de trois jours), soit les «32 heures non annualisées» répondant à l’objectif qui est de «travailler moins pour travailler tous et vivre mieux». Le fait qu’on en soit arrivé aux 35 heures «quoique dans un cadre non satisfaisant», l’électrise. Et la cause des 32 heures de 4×8, fondée en 1985 avec une poignée de sympathisants rencontre aujourd’hui «des milliers» de convertis.

«C’est pourquoi je pense qu’il en sera de même pour la cotisation Rose: un jour les gens ne se diront plus que nous sommes fous, mais que nous avons raison.» Il est persuadé que sa cotisation s’imposera. «Un signe que l’idée gêne»: sous prétexte de l’aider dans son combat pour les 32 heures, IBM aurait tenté de «l’infiltrer»” à condition qu’il abandonne ses idées de taxe.

Le raisonnement de John Mitchell est le suivant: «A job égal, les salariés ne sont pas compétitifs avec les machines, d’abord parce qu’ils sont moins efficaces, ensuite parce qu’ils représentent de lourdes charges sociales pour l’employeur.» L’idée de la cotisation Rose est donc de rétablir l’équilibre pour qu’il n’y ait pas de «concurrence déloyale» accrue entre humains et machines, lesquelles doivent devenir les «nouvelles vaches à lait».

En faisant payer une taxe sur les robots, ordinateurs et systèmes experts, la compétition se réduirait, le chômage aussi. Un moyen d’endiguer aussi l’automatisation qui cause des vagues de licenciements. «Songeons que le PDG de Renault a dit: si vous nous imposez les 35 heures, on met des robots partout», s’emporte-t-il.

La cotisation Rose frapperait les petits ordinateurs comme les gros systèmes, lecteurs de cartes, distributeurs, robots, pompes à essence automatiques, billetteries,trieuses postales” et serait une «taxe sur la capacité de production» basée sur un ratio de son invention, le Mac/Man (Machine/homme), évaluant la capacité de production d’une machine par rapport à l’homme.

John Mitchell avance des chiffres. Les siens. Sa balance comptable tombe juste: «Le chômage coûte 700 milliards, affirme-t-il. Voilà comment je les récupère avec le passage aux 32 heures et la cotisation Rose [40 milliards estimés, ndlr] et comment je les réemploie de façon utile en les redistribuant en aide aux chômeurs et aux entreprises pour l’embauche.» Il relève la tête de ses chiffres, radieux: il pense pouvoir créer cinq millions d’emplois.

Libération via le Mouvement 4X8

(Merci à John)

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