Le succès récent de l’émission « Gaspillage alimentaire, les chefs contre-attaquent » sur M6 et l’organisation de la seconde Journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire le 16 octobre rappellent à quel point il est important de lutter contre les pertes et les gaspillages alimentaires, d’autant plus que la FAO a publié au mois de septembre des chiffres éloquents sur le sujet.
Le gaspillage alimentaire est l’un des rares sujets concernant l’agriculture et l’alimentation qui fasse l’unanimité de la part des institutions internationales (FAO, Programme des Nations unies pour l’environnement, Commission européenne), des Etats, des syndicats professionnels comme la FNSEA, des ONG, des cuisiniers jusqu’au grand public, comme a pu en attester le succès récent de l’émission diffusée sur M6, « Gaspillage alimentaire, les chefs contre-attaquent ».
L’année 2014 a ainsi été décrétée comme année de lutte contre le gaspillage alimentaire par le Parlement européen. En juin 2013, un Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire avait été lancé par le ministère de l’Agriculture dans l’objectif de réduire de moitié le gaspillage en France à l’horizon 2025. Le 16 octobre est ainsi organisée une seconde Journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire afin d’attirer l’attention du public sur cette nouvelle « grande cause nationale ».
De quoi parle-t-on au juste ?
Selon un rapport publié en 2011 par le ministère de l’Ecologie, les déchets alimentaires correspondent à « de la nourriture destinée à la consommation humaine, qui, à un endroit de la chaîne alimentaire, est jetée, perdue, dégradée ou dévorée par des ravageurs » et le gaspillage au « gaspillage évitable, c’est-à-dire la nourriture, qui à un certain moment avant d’être jetée, était mangeable : tranches de pain, pommes, viande, etc. ».
Le rapport parle notamment à ce propos d’aliments jetés dans leur emballage encore fermé, de restes d’aliments contenus dans leur emballage, de restes de plats cuisinés des ménages, des cantines ou de la restauration collective et commerciale.
Les chiffres concernant le gaspillage dans le monde et en France sont, en effet, impressionnants.
La FAO vient d’ailleurs de publier au mois de septembre de nouvelles données sur l’énorme coût financier que représente le gaspillage dans le monde. Ceux-ci sont d’autant plus dérangeants que, d’après l’agence onusienne, seulement un quart de la nourriture perdue ou gaspillée à l’échelle mondiale pourrait permettre de nourrir les 842 millions de personnes sous-alimentées dans le monde. Or, cette préoccupation n’est pas nouvelle puisque la Conférence mondiale sur l’alimentation avait déjà indiqué… dès 1974 que la réduction des pertes de nourriture après récoltes dans les pays en développement pouvait constituer un moyen de lutter efficacement contre la faim dans le monde.
Il en est de même à l’échelle française alors que 3,5 millions de personnes recourent aux associations de dons alimentaires et qu’en 2012-2013, les Restaurants du cœur ont distribué 130 millions de repas à 960 000 personnes.
Vingt chiffres sont plus particulièrement à retenir sur les pertes et les gaspillages alimentaires.
0
C’est le pourcentage des produits alimentaires que, depuis 2011, les supermarchés Sainsbury en Grande-Bretagne s’engagent à ne pas jeter dans des décharges. C’est le premier distributeur britannique à s’être engagé sur le concept « zéro gaspillage de nourriture en décharge ».
7
C’est, selon le Ministère de l’Ecologie, le poids en kilogrammes de produits alimentaires encore emballés qui sont jetés en moyenne par chaque Français chaque année.
8
C’est, selon la FAO, le pourcentage de poissons pêchés dans le monde qui sont rejetés en mer, morts, mourants ou grièvement blessés.
20
C’est, selon le Ministère de l’Ecologie, le poids en kilogrammes des produits alimentaires encore consommables qui sont jetés en moyenne par chaque Français chaque année.
28
C’est, d’après la FAO, le pourcentage de la superficie agricole mondiale qui est utilisée chaque année pour produire la nourriture qui est perdue ou gaspillée dans le monde.
30
C’est, selon la FAO, le pourcentage de la production alimentaire mondiale perdue ou gaspillée dans le monde. C’est aussi le pourcentage de la nourriture jetée chaque année aux Etats-Unis, ce qui représente une valeur de près de 50 milliards de dollars. Si l’on y rajoute les pertes au niveau des exploitations et dans la distribution, on aboutit outre-Atlantique à près de 100 milliards de dollars par an.
45
C’est, selon la FAO, le pourcentage de fruits et légumes perdus en moyenne chaque année. C’est le taux de perte le plus élevé pour les produits alimentaires. Ces pertes dans les pays développés s’expliquent en grande partie par le « calibrage » des fruits et légumes sur la base de critères imposés par les distributeurs. Le taux de perte est également élevé pour les poissons et fruits de mer (30 %), les produits céréaliers (30 %), les oléagineux et légumineux (22 %), la viande et les produits laitiers (20 %).
54
C’est, selon une évaluation de la FAO, le pourcentage du gaspillage alimentaire mondial qui se produirait « en amont », à savoir durant la production des denrées agricoles, la manutention et le stockage après les récoltes. Les 46 % restant se dérouleraient « en aval », lors de la transformation, de la distribution et de la consommation. Dans les pays en développement, le gaspillage et les pertes sont plus importants durant la phase « en amont ». Pour les pays émergents et développés, c’est plutôt durant la phase « en aval ».
Les efforts à produire en matière de lutte contre le gaspillage concernent par conséquent la production agricole dans les pays en développement et le commerce de détail et les consommateurs dans les pays émergents et développés.
D’après la FAO, les secteurs où les pertes et les gaspillages sont les plus préoccupants, compte tenu de leur impact environnemental en termes de consommation d’eau et d’émissions de gaz à effet de serre, sont la production de riz en Asie, de viande dans les pays développés et en Amérique latine et de fruits et de légumes en Asie, en Amérique latine et en Europe.
179
C’est, selon la Commission européenne, le nombre de kilos de denrées alimentaires qui serait gaspillé chaque année en moyenne par chaque ressortissant de l’UE.
89,3 millions de tonnes de nourriture serait ainsi gaspillée au sein de l’UE. 42 % de ce gaspillage serait le fait des consommateurs. Au total, près de 50 % des aliments sains seraient ainsi gaspillés chaque année au sein de l’UE, alors même que 16 millions de ressortissants de l’Union dépendent de l’aide alimentaire fournie par les associations.
La FAO, de son côté, indique que les pertes alimentaires par habitant en Europe et en Amérique du Nord s’établiraient à 280-300 kg par an alors que la production de denrées comestibles destinée à l’alimentation humaine est de l’ordre de 900 kg par an par habitant dans ces régions. En ce qui concerne le gaspillage des consommateurs en Europe et en Amérique du Nord, la FAO l’évalue à 95-115 kg par an et par personne.
250
C’est, selon la FAO, le nombre de km3 d’eau utilisée chaque année pour produire les denrées alimentaires qui sont perdues ou gaspillées. Cela représente un volume d’eau trois fois supérieur à celui du Lac Léman ou bien équivalent au débit annuel de la Volga, le fleuve russe qui est aussi le plus grand fleuve d’Europe.
3 000
C’est le nombre de kilomètres parcourus en vélo en 2014 par Baptiste Dubanchet, un étudiant en mastère de développement durable qui a entrepris un périple à travers le continent européen sans acheter de nourriture. Ce « glaneur » avait pour objectif de se nourrir uniquement à l’aide de nourriture destinée à être jetée par des hôtels, des restaurants, des commerces, des grandes surfaces et des marchés en vue de « dénoncer le gaspillage alimentaire des pays riches ». Parti au mois d’avril, il a réussi à rallier Varsovie fin juin et surtout son pari de « glaner » sa nourriture tout au long du parcours.
Baptiste Dubanchet indique, par exemple, sur son blog lors de son passage dans la capitale allemande que « ça n’a pas été difficile de trouver à manger à Berlin, les habitants sont très sympas, et donc les employés aussi. Récupérer des aliments dans les poubelles est courant, ça ne dérange même pas les employés qui vont jusqu’à indiquer l’heure à laquelle ils y introduisent les aliments “invendables” ».
9 000 000
C’est, selon la Commission européenne, le nombre de tonnes de nourritures qui serait gaspillées en France. Ce chiffre s’établit à 10,4 millions de tonnes en Allemagne et jusqu’à 14,4 millions de tonnes au Royaume-Uni. Les ménages représenteraient 70 % de ce gaspillage en France.
200 000 000
C’est, selon la FAO, le nombre de personnes qui pourraient être nourries dans le monde avec la nourriture gaspillée en Europe. Plus largement, le gaspillage de nourriture dans les pays riches correspond à peu près à la production alimentaire nette de l’Afrique subsaharienne. Il est à noter que la quantité de nourriture gaspillée en Amérique latine ou en Afrique pourrait, quant à elle, nourrir 300 millions de personnes.
1 300 000 000
C’est, selon la FAO, le tonnage de la nourriture destinée à la consommation humaine qui est perdue ou gaspillée chaque année. Au total, le volume mondial de gaspillages et de pertes alimentaires s’élève à 1,6 milliards de tonnes d’équivalents produits de base, celui-ci comprenant les productions comestibles et non comestibles.
1 400 000 000
C’est, d’après la FAO, le nombre d’hectares de terres utilisées chaque année pour produire la nourriture qui est perdue ou gaspillée.
3 300 000 000
Cela correspond, selon la FAO, à l’empreinte carbone des gaspillages et pertes alimentaires dans le monde. La production ainsi perdue et gaspillée contribuerait, selon la FAO, à 3,3 milliards de tonnes de CO2 équivalent gaz à effet de serre rejetés chaque année dans l’atmosphère. Il est également à noter qu’une grande partie de ces pertes et de ces gaspillages finissent dans des décharges. Or, les émissions de méthane par les décharges constituent aussi une importante source d’émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole.
700 000 000 000
C’est l’évaluation faite en dollars par le FAO du coût environnemental total du gaspillage alimentaire annuel mondial. La production de denrées alimentaires qui n’ont pas été consommées a, en effet, occasionné des émissions de gaz à effet de serre, a utilisé de l’eau d’irrigation, a favorisé une érosion des terres et une déforestation et, enfin, a conduit à une perte de pollinisateurs, de poissons, etc. C’est le coût de ces dommages environnementaux qui a été calculé par la FAO.
750 000 000 000
C’est, d’après la FAO, le montant en dollars des pertes et des gaspillages alimentaires chaque année dans le monde. Ce montant est exprimé en prix à la production ou à l’exploitation. En valeur commerciale, il serait évalué à près de 1000 milliards de dollars. 750 milliards de dollars, cela correspond à peu près au PIB d’un pays comme l’Arabie Saoudite en 2013 (source FMI).
1 000 000 000 000
C’est le coût social des pertes et des gaspillages alimentaires estimé en dollars par la FAO. Ce coût correspondrait à l’impact des pesticides sur la santé humaine, à la perte de moyens de subsistance liée à la raréfaction des ressources naturelles, aux subventions visant à produire des denrées qui ont été jetées ou aux conflits favorisés par une pression exercée sur les ressources naturelles. Mais la FAO estime qu’il existe d’autres coûts qui sont plus difficilement mesurables, comme la valeur des poissons rejetés à la mer, la perte de la biodiversité des pâturages, la perte de zones humides, etc.
2 600 000 000 000
C’est, selon la FAO, le coût total exprimé en dollars des pertes et des gaspillages de denrées alimentaires dans le monde. Ce coût global comprend les coûts économiques (près de 1 000 milliards de dollars), environnementaux (au moins 700 milliards) et sociaux (1000 milliards). 2 600 milliards de dollars, cela représente une somme considérable puisque cela correspond à peu près au PIB d’un pays comme le Royaume-Uni en 2013 ou à un peu moins que le PIB de la France (source FMI).