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Maître de conférences à l’université Paris-I, Nicolas Offenstadt s’interroge sur les usages des faits historiques qui, sous couvert de vulgarisation, font l’apologie d’une “France éternelle”. Selon l’historien, les droites radicales se saisiraient de l’histoire pour alimenter des thèses nationalistes et xénophobes, d’où la nécessité d’en repenser la place et l’enseignement dans nos sociétés contemporaines.

Il y a un usage de l’histoire dont les intentions xénophobes, voire islamophobes, sont assez nettes. Il est sous-tendu par une définition de l’identité nationale qui implique des exclusions. C’est souvent une France catholique, « éternelle », qui est mise en avant. L’Humanité

L’histoire est donc devenue un enjeu dans la construction d’une «identité nationale». Le succès du livre de Zemmour, par exemple, n’est-il pas le signe que le procédé fonctionne ?

En France, elle l’est depuis longtemps, là encore. Mais ce qui est frappant, c’est justement la dimension réactionnaire de différents discours d’aujourd’hui sur l’histoire et l’identité nationale : ils renvoient, parfois explicitement, à ceux du XIXe siècle où l’histoire était pensée très directement comme un instrument pour façonner le futur des sociétés. Du coup, cela renvoie aussi à un monde où les femmes n’avaient pas le droit de vote, à l’époque coloniale… […]

Eric Zemmour, Lorant Deutsch : la vulgarisation de l’histoire valoriserait, selon vous, les «racines chrétiennes» de la France. Ces racines existent…

Que le christianisme ait un rôle fondamental dans l’histoire de France est une évidence qui ne mérite pas de discussion, sauf pour le mesurer précisément. Maintenant, le terme de «racines» implique souvent, dans cette question, celui d’enracinement et glisse vite vers l’idée d’une histoire naturelle et séculaire dont la société contemporaine serait, automatiquement ou presque, la prolongation : en quelque sorte comme la plante et sa racine. Cette conception biologique de la société ne rend pas compte de ce qu’est une société qui se compose et recompose, et puis elle devient franchement douteuse quand elle sert à distinguer ceux qui pourraient se prévaloir de ces «racines» et ceux qui ne le pourraient pas. L’«ancienneté» revendiquée permettrait de se parer d’on ne sait quelle autorité. […]

Libération

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