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Interview de Michel Maffesoli, professeur à la Sorbonne, qui vient de publier, “L’ordre des choses” aux éditions du CNRS.

Rien ne sert de pleurer un monde qui disparait, il n’y a ni à en pleurer, ni à en rire, il s’agit tout simplement de voir et de comprendre ce que j’ai nommé l’Ordre des choses.

De grandes civilisations ont existé, de grandes civilisations se sont éteintes, de nouvelles civilisations, ni meilleures, ni pires, se sont constituées sur les débris des anciennes.

Dans votre dernier livre, vous faites une nouvelle fois l’éloge de la postmodernité rappelant avec optimisme que «la fin d’un monde n’est pas la fin du monde». D’une certaine manière, L’Ordre des choses n’est-il pas l’antidote philosophique idéal au pessimisme du Suicide français d’Eric Zemmour ?

J’aime bien Eric Zemmour, mais effectivement je suis aux antipodes de ses positions. Non pas que je les juge “dangereuses” ou pire “fascistes” comme le disent nombre de bien-pensants, mais parce que je ne suis pas comme lui fasciné par le passé et la conservation du modèle de la modernité, mais préoccupé de la compréhension du monde contemporain, ici et maintenant. Effectivement, je pense qu’il peut y avoir de la “res publica”, c’est-à-dire de la chose publique, en dehors du modèle “dit républicain”, inventé dans ce tout petit canton du monde que constitua l’Europe des 19ème et 20ème siècles. […]

Que je sois, personnellement, un petit bourgeois, producteur, reproducteur, attaché aux livres et à nombre de vieilles traditions, n’empêche pas que je m’efforce de comprendre la postmodernité qui nous environne.

Quels sont les contours du monde postmoderne que vous décrivez ?

Difficile de vous tracer les “contours” de ce monde qui sort peu à peu du brouillard tel un soleil perçant les nuages un jour d’hiver.

Mais tentons l’exercice: bien sûr, et c’est un incontournable, vous verrez d’abord les échanges sans cesse plus nombreux, sur les réseaux sociaux et autres “sites” d’échange de données, d’opinions, de questions… Attention, je ne dis pas que la technologie détermine les usages, au contraire, mais elle participe d’un air du temps, une atmosphère mentale, un climat.

Qu’est ce à dire, sinon que la loi qui régit les rapports humains n’est plus vraiment la loi du père, mais plutôt la “loi des frères”.[…]

Vous constatez l’«ensauvagement du monde», la décadence de la civilisation européenne et pourtant vous semblez vous en réjouir. N’est-ce pas un peu paradoxale?

Il ne faut pas confondre la jouissance que peut éprouver le savant quand il a l’impression d’avoir découvert le secret du code, c’est-dire d’avoir compris son environnement et la réjouissance du politique qui voit ses opinions gagner. Que je sois, personnellement , un petit bourgeois, producteur, reproducteur, attaché aux livres et à nombre de vieilles traditions, n’empêche pas que je m’efforce de comprendre la postmodernité qui nous environne. Et ce depuis bientôt quarante ans. Et ce que je vois, ni ne me réjouis, ni ne m’attriste. J’observe, avec une “neutralité axiologique” ( M.Weber), tout en le faisant avec empathie. […] L’ensauvagement du monde, c’est aussi la prise en compte par les humains de leur part animale. Or si l’on chasse l’animalité dans l’humain, l’on est vite submergé par la bestialité! Qui fait l’ange…[…]

Le Figaro

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