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Le bureau d’évaluation indépendant du FMI a publié un audit interne fracassant. L’institution y est vertement tancée pour ses remèdes inefficaces à base de saignées austéritaires et son incapacité à diagnostiquer les prochains chocs financiers. Pour résumer, il serait moins hasardeux de confier les prévisions économiques au descendant de Paul le poulpe.

Vous n’avez peut-être pas oublié Paul le poulpe, ce distingué céphalopode surnommé « l’oracle d’Oberhausen », qui accéda à la postérité en raison de l’exactitude de ses prévisions durant la Coupe du monde de football de 2010. Sans doute, en revanche, connaissez-vous moins Poul Thomsen, ce cerveau du Fonds monétaire international renommé pour n’avoir pas su prévoir ce qu’il allait advenir de l’économie grecque après le passage de la troïka.

Lundi 3 novembre, cet ancien chef de mission du FMI à Athènes a été promu, par l’ex-meilleure amie de Bernard Tapie, Christine Lagarde, directeur du département Europe de l’institution. On comprend cette distinction : le Danois Poul Thomsen aura – en partie – mené à bien sa lettre de mission : ramener l’industrie hellène au temps de Périclès.

Mais la directrice du FMI comme les instances européennes peuvent continuer à dormir sous la couette meringuée de leurs douillettes certitudes puisque Poul devra continuer à veiller sur le programme grec, qu’Athènes envisage pourtant d’écourter (les Grecs sont ingrats). Gratin supplémentaire sur la moussaka, le nouveau directeur succède à Reza Moghadam, qui a démissionné du FMI pour rejoindre la banque Morgan Stanley, où il sera en charge des investissements sur les dettes souveraines. Un tout petit monde.

Austérité budgétaire et orthodoxie monétaire : ces deux piliers de la doxa de Bruxelles minent les économies européennes. Le FMI avait esquissé un début de remise en cause en 2012, en reconnaissant avoir mésestimé l’impact de ces cuillères d’huile de ricin que nous avons dû ingurgiter à forte dose. Cette constatation faite, chacun a repris les mêmes méthodes et les mêmes objectifs, comme s’il n’y avait pas d’autre politique possible. Nos modernes Diafoirus ne voient pas d’autre exutoire que de purger et saigner le patient. Nos économies mourront mais, soyons apaisés, elles mourront guéries. N’est-ce pas, aux yeux de nos experts, l’essentiel ?

Mercredi 5 novembre. Le bureau d’évaluation indépendant (IEO) du FMI publie un audit interne fracassant. L’institution y est vertement tancée pour ses remèdes, auxquels elle s’accroche comme une bernique à son rocher. Que dit ce rapport qui passe, en effet, au crible la période 2008-2013 ? Il dit, ou plutôt il clame, que le FMI n’a ni compris, ni anticipé l’impact de l’austérité sur la croissance. Pis : il émet de sérieux doutes sur l’aptitude de l’institution à détecter les prochains chocs financiers.

Au fond, pour résumer, ce rapport estime qu’il serait moins hasardeux de confier les prévisions économiques au descendant de Paul le poulpe.

Toutes ces interrogations glissent sur Pierre Moscovici. Le sémillant commissaire aux Affaires économiques s’est fondu dans la grisaille européenne. Comme le souligne Jean Quatremer dans Libération du même jour, il se fait le fidèle porte-parole de la pensée inique sans barguigner. Si l’on était cruel, on relèverait que le nom de son courant (il vient encore aux soirées) est « Besoin de gauche », cela ne s’invente plus. Nul ne s’étonnera que le Parti socialiste l’ait installé à ce poste. Un PS qui pourrait aujourd’hui parfaitement reprendre à son compte le poème du Bestiaire d’Apollinaire intitulé le Poulpe : « Jetant son encre vers les cieux/Suçant le sang de ce qu’il aime/Et le trouvant délicieux,
/Ce monstre inhumain, c’est moi-même. »

Marianne

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