La crise du groupe bancaire portugais Espirito Santo pourrait déboucher sur une perte total des capitaux placés par certains clients dans la filiale suisse basée à Pully, selon Bloomberg.
Après la perte du secret bancaire, la Suisse va-t-elle aussi perdre son statut de refuge pour les capitaux? C’est en tout cas la sensation que pourraient avoir un certain nombre de clients du groupe portugais Banco Espirito Santo (BES), qui, au plus fort de la crise de la dette européenne, avaient placé des avoirs dans la filiale suisse de la banque. Or, selon une information publiée par Bloomberg, ces clients pourraient perdre l’intégralité des capitaux placés là.
Selon Anabela Reis, correspondante de Bloomberg à Lisbonne, plus d’une centaine de petits investisseurs portugais auraient choisi de placer leurs avoirs au sein d’Espirito Santo Financial Group SA, filiale basée à Pully (VD), et plus précisément dans l’entité Banque Privée Espirito Santo SA. «A partir de 2010 et 2011, certains clients ont reçu le conseil, face à la crise en Europe et à la situation du pays (le Portugal, NdlR), de placer leur argent en Suisse, où il serait mieux protégé. Cela restait Espirito Santo: pour les clients il n’y avait pas de différence», explique Luis Vieira, président de l’association Abesd, qui défend les clients du groupe bancaire.
Les inquiétudes de la FINMA
Mais ça, c’était avant les déboires du groupe bancaire. Depuis, la société a plongé et été déclarée en faillite. Mais les millions d’épargnants portugais n’entendent pas voir leurs avoirs se volatiliser. La banque centrale du pays est donc intervenue et la nouvelle entité, Novo Banco SA, née sur les ruines de BES, s’active pour que les clients puissent retrouver tout ou partie de leurs dépôts.
Or, les clients ayant fait appel aux services de type banque privée, proposés par BES via sa filiale suisse, demandent le même traitement que les autres épargnants. Leurs avocats assurent qu’ils ont été convaincus par les collaborateurs de la défunte banque que les sommes concernées étaient en fait des investissements et placements. Cependant, Banque Privée Espirito Santo SA n’était pas détenue directement par BES, mais par sa holding Espirito Santo Financial Group. Et c’est là que se corsent les affaires de ces clients.
Le 19 septembre, la FINMA déclarait dans un communiqué que la faillite du groupe posait «des problèmes notables» car la Banque Privée n’était pas incluse dans les mesures prises par la banque centrale portugaise. Du côté des autorités portugaises, la version était que les clients devaient se tourner vers les entités concernées pour toutes les parties du groupe qui ne dépendaient pas directement de la banque elle-même.
Le bilan de la Banque Privée a fondu cet été
Or, comme semble l’affirmer Anabela Reis, les investissements réalisés par la Banque Privée avec les fonds placés par les épargnants portugais ne correspondraient pas à ce qui avait été proposé au départ:
les placements sages et prudents auraient été transformés en prises de participations et produits financiers bien plus risqués, comme si les fonds avaient été déposés sur le très long terme avec une marge de manœuvre totale pour la banque afin de faire fructifier le capital.
Cet été, le bilan de la Banque Privée Espirito Santo a chuté de 600 à 80 millions de francs lorsqu’a été rendue publique la vente en juillet des actifs des clients espagnols, portugais et latino-américains ont été revendus à Compagnie Bancaire Helvétique (CBH). Les autorités financières ont pris des mesures pour que les dépôts en liquidités soient couverts jusqu’à 100.000 francs. Mais rien n’a été annoncé de tel concernant les autres titres financiers dont les portefeuilles d’actions et d’obligations ou autres formes de placements. Et ce serait justement une part importante des fonds placés dans cette filiale helvétique du groupe.
La journaliste de Bloomberg affirme aussi dans son article que l’entité suisse du groupe constituait un maillon essentiel dans le complexe mécanisme mis en place par les équipes de BES pour «des pratiques financières frauduleuses», selon le terme employé par Carlos Costa, gouverneur de la Banque du Portugal. Les avocats de certains clients dépossédés de leurs avoirs expliquent que les collaborateurs du groupe BES «attiraient les clients vers l’entité suisse avant de leur vendre de la dette Espirito Santo».