Après la démission de Pierre Moscovici, devenu commissaire européen, de son mandat de député, une élection législative partielle a lieu dans le Doubs. Et elle s’annonce très mal pour le PS. La défiance face au pouvoir augmente dans les cantons ouvriers, victimes de la baisse d’activité de Peugeot et de la violence.
«Le souci des ouvriers, c’est de survivre, pas de voter», résume un syndicaliste CFDT de PSA. Début novembre, l’avenir s’est encore assombri quand les 3 000 employés du pôle recherche et développement du groupe ont été invités par courrier à chercher du boulot ailleurs, leur poste étant potentiellement menacé.
Chez Patrick, c’est le rendez-vous des retraités, des intérimaires, des jeunes désœuvrés, des footeux aussi. «Les ouvriers en poste, eux, ne viennent plus», regrette t-il. «Avec leurs salaires, ils n’ont plus les moyens de boire un coup après le boulot.» […]
Les européennes ont confirmé le malaise et la forte poussée du Front national dans tous les cantons ouvriers du Doubs. Entre divorce des gauches et abstention délibérée, pour les socialistes, les élections sont désormais à haut risque.
«On a peur que ça finisse comme dans le Nord», soupire Youssef, trentenaire d’origine marocaine, qui depuis huit ans cumule les missions d’intérim chez PMTC Scooters à Mandeure. «D’habitude je fais dix-huit mois, avec des contrats à la semaine et puis on me rappelle. Mais la dernière fois, c’était que pour huit mois… Ca devient vraiment très difficile quand on a un emprunt et deux enfants.» Sa fillette dans les bras, son ami d’origine algérienne enchaîne : «Les socialistes, ils ont fait quoi à part diviser par trois l’allocation naissance et coller des amendes à ceux qui sont en retard pour renouveler leur carte de séjour ? Je suis au RSA social, obligé d’accepter des missions d’une journée, prévenu le matin…»[…]
Un autre hoche la tête, compatissant : «C’est pas normal. C’est moche.» Aucun des trois hommes ne croit plus au changement par les urnes.
Mais, même si Hollande l’a «déçu», Youssef ira voter PS, «à cause du FN». Car ici, le racisme prospère. La dureté de la vie a désintégré les solidarités, fracturé le pays entre générations et entre communautés. Une faille qui passe par le Domino, à Sochaux.
Face à la montée des incivilités et des violences, même la gauche viscérale vacille. Ainsi de Françoise, croisée devant le Super U de Valentigney. Depuis que «ceux des Buis», le quartier sensible de la ville, ont détruit le magasin d’alimentation générale qu’y avait ouvert son père, communiste et ancien du site Peugeot-Beaulieu de Mandeure, le cœur n’y est plus. C’est aussi vrai de Rose. Après trente-sept ans passés aux Buis, elle et son compagnon ex-cégétiste de PSA, ont déménagé. «C’était plus possible», raconte-t-elle. «Ça n’arrêtait plus de péter dans les blocs entre Maghrébins. Ma pension, c’est 700 euros, c’est pas lourd. On nous taxe toujours plus. On vit mal. Et il faudrait supporter ?»