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[…] En vérité, la bataille de Rochester and Strood n’a pas eu grand-chose à voir avec l’Europe. Dans une circonscription assez représentative de l’Angleterre moyenne, la campagne ne s’est vraiment animée que sur un thème : l’immigration – et pas uniquement celle venue du continent. Comme les autres formations protestataires européennes – elles fleurissent, de la Scandinavie à la Méditerranée –, le UKIP capitalise d’abord sur un sentiment anti-immigration.

A droite et à gauche

Sur ce thème, le UKIP attrape des électeurs à droite, mais aussi à gauche. Qu’ils soient accusés de prendre des emplois aux Britanniques, de faire pression à la baisse sur les salaires, ou les deux à la fois, d’abuser du service public de la santé, voire de changer la physionomie d’un quartier, les immigrés sont au cœur d’un malaise diffus que les relatifs succès économiques de l’équipe Cameron n’ont pas dissipé. Le UKIP émerge dans un Royaume-Uni où le taux de chômage est de 6 %, de même que le FN monte dans une France où il dépasse les 11 %.

Pour le contrecarrer, M. Cameron a choisi de donner des gages au UKIP. Il ne met pas en avant la batterie de statistiques qui montrent que les immigrés contribuent plus au budget de l’Etat qu’ils ne le ponctionnent. Il aligne son discours sur celui de M. Farage, sans reprendre, point par point, ce qui peut être fondé dans la critique de l’immigration et ce qui peut relever de la fiction ou du fantasme. Il le fait en flirtant avec un thème incompatible avec l’un des principes fondateurs de l’Union européenne : la libre circulation de ses ressortissants au sein de l’UE – principe que la Cour de justice européenne vient récemment de confirmer (elle a simplement condamné les abus à l’aide sociale de ceux qui refusent de chercher un travail).

Le discours de M. Cameron rate sa cible. Le premier ministre s’est personnellement impliqué dans la bataille de Rochester and Strood, où il s’est rendu cinq fois ces derniers jours. Dans une stratégie de perdant, il a copié le UKIP : il essuie une défaite personnelle. En un sens, le scrutin confirme que les partis de gouvernement en Europe n’ont toujours pas trouvé la manière de répondre intelligemment aux inquiétudes de l’électorat sur l’immigration. Il y a pourtant urgence. Pas seulement au Royaume-Uni.

Le Monde

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