Les collectivités locales qui ont souscrit par le passé des emprunts toxiques ont jusqu’à mars 2015 pour signer un protocole d’accès à un fonds de soutien créé par la loi. Mais pour bénéficier de ce fonds, elles devront arrêter de poursuivre les banques en justice. Un choix cornélien.
Plus le temps passe, et plus l’avenir pour les collectivités locales victimes des crédits toxiques semble s’assombrir. Un fonds de soutien a bien été créé pour sortir ces collectivités de la spirale négative – il doit être doté de 100 millions d’euros par an sur quinze ans, soit 1,5 milliard d’euros en tout -, mais il semble bien insuffisant au regard des indemnités de remboursement anticipé qui seraient dues par ces collectivités parfois en grandes difficultés financières. Celles-ci s’élèveraient à 6 milliards d’euros si l’on en croit les discussions des acteurs concernés en coulisse. Ainsi, le fonds ne prendrait globalement en charge que 25% du coût de sortie des emprunts toxiques.
Une part trop faible au sens des collectivités locales qui dénoncent un fonds mal calibré, comme n’hésitait déjà pas à l’expliquer dans un communiqué l’agence de notation Fitch, il y a tout juste un an : “Le projet gouvernemental (…) de créer un fonds pour soutenir les collectivités locales françaises exposées aux emprunts structurés à risques ne traite que partiellement le problème. Ce fonds est en effet insuffisant par rapport au stock de prêts structurés à risques détenus par les collectivités locales, et une partie des coûts induits par ces emprunts devra être absorbée directement dans les budgets des collectivités”, expliquait-elle.
Accroître la taille du fonds
L’association des Acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET) demande donc le doublement, voir le triplement de la dotation annuelle destinée à ce fonds. Mais l’Etat et les banques, qui abondent le fonds chacun pour moitié, ne semblent pas enclins à accroître leur participation.
Une main pourrait être tendue vers les collectivités territoriales les plus modestes mais, même le président de l’APCET, Christophe Greffet, se demande si ces aides viendront en plus ou non des 100 millions d’euros annuels…
Les collectivités ont désormais jusqu’à la mi-mars pour constituer un dossier et signer un protocole pour bénéficier du fonds. Elles seront cependant obligées, pour ce faire, de renoncer à tout contentieux, en cours ou à venir, à l’encontre des banques, et notamment de la Société de financement locale (Sfil) – la remplaçante de Dexia – possédée par l’Etat, et qui a repris une grande partie des contentieux de l’ancienne leader du marché des prêts aux collectivités locales.
Renoncer à attaquer en justice ?…
Pour effectuer ce choix cornélien, les collectivités doivent peser le pour et le contre. Or, elles ont de moins en moins de marges de manœuvre au plan judiciaire. Elles ont été défaites sur l’affaire du TEG auprès du Conseil constitutionnel, qui aurait constitué leur principal levier de négociation par rapport aux banques et à l’Etat, propriétaire de la Sfil.
Ainsi, les neuf Sages ont confirmé la loi de finances 2014 qui annihile la décision du Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre du 8 février 2013, lequel avait annulé les taux d’intérêt de trois prêts que le Conseil général de Seine-Saint-Denis avait contractés auprès de Dexia. Celle-ci a perdu l’affaire pour avoir omis de mentionner le taux effectif global (TEG) dans un fax – le coût réel du crédit. Ce qui entraîne l’application du taux d’intérêt légal (0,04% en 2014) sur toute la durée du prêt.
… Ou attaquer au niveau européen ?
Du reste, à l’avenir, de nouvelles jurisprudences en faveur des collectivités locales pour un autre motif que l’absence de TEG dans le contrat pourraient émerger dans un des 300 contentieux en cours. Mais les membres de l’APCET ont bizarrement constaté un report à février 2015 de plusieurs décisions de justice qui devaient intervenir cet automne…
Que faire alors ? Se résigner à ne pas attaquer en justice pour bénéficier du fonds de soutien ou miser sur une incertaine nouvelle jurisprudence ?
“Les collectivités ont de toute façon intérêt à solliciter le fonds“, juge Christophe Greffet, qui n’hésitera pas à faire valoir les intérêts des collectivités locales françaises au niveau de la justice européenne. Le droit des consommateurs y est en effet plus protecteur qu’en France, explique-t-il. En outre, le respect de la libre concurrence étant un des fondements de la justice européenne, quid de ce fonds abondé par l’Etat qui permet aux banques de régler leurs contentieux plus confortablement ?