Les fictions, encore loin de refléter la société, sont bien plus pâles que la réalité. Les acteurs de couleur y demeurent sous-représentés. Et souvent cantonnés à des rôles stéréotypés: serveurs, délinquants, prostituées… Pour un Omar Sy ou un Jamel Debbouze, combien d’invisibles ? (…)
Alors que la série télévisée américaine « 24 Heures chrono » a imposé David Palmer en président noir bien avant l’élection de Barack Obama, que « Glee » et sa chorale de lycéens mettent en avant une blonde, une brune, une Black, une Latino, une Asiatique, la fiction française, elle, reste encore désespérément « unicolore ».
“En France, on parle beaucoup de la différence mais nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux” (Mémona Hintermann)
Mémona Hintermann, ex-grand reporter à France 3, qui vient d’être nommée à la commission diversité du CSA, est très sévère : « En France, on parle beaucoup de la différence, mais nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux, s’agace-t-elle. On a la télé qu’on mérite. Notre société, crispée sur les questions identitaires, refuse de voir son vrai visage. Alors on refile le sujet comme une patate chaude au CSA qui doit jouer les gendarmes… sauf que nous n’avons même pas de bâton. Il nous manque les outils juridiques pour sanctionner les contrevenants. Et on n’ose même pas appeler un chat un chat, puisque les statistiques ethniques sont interdites. » (…)
Aux USA, les Afro-Américains sont la minorité la mieux représentée sur les écrans. Ils sont médecins, avocats, PDG. Ou même présidents. Les Latinos et les Asiatiques, eux, restent encore quasi ignorés au regard de leur population. Avec une distorsion étonnante : « Les Noirs sont surreprésentés dans les catégories sociales supérieures. Un peu comme si la télé présentait le melting-pot américain rêvé », analyse Anne Crémieux. (…)