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Jacques Le Bohec, professeur à l’Université Lyon 2, diplômé de Sciences-Po Bordeaux et spécialisé en sciences de l’information et de la communication est interrogé sur la montée du Front National. 

(…) JOL Press : Quels sont aujourd’hui les obstacles à cette ascension ?

Jacques Le Bohec : Je ne vois pas beaucoup d’obstacles à l’accession du FN en vue de la conquête d’une part du marché électoral bien plus importante demain qu’aujourd’hui. La lutte idéologique est naïve alors que les principaux partis reprennent les idées du FN à leur compte depuis vingt ans. L’UMP et le PS n’ont que de belles valeurs et de beaux principes à la bouche, mais ils mènent une politique et tiennent des discours qui valident et légitiment le fond doctrinal du FN… La quête d’un argumentaire anti-FN donne bonne conscience (voir ce qui se passe au PS en ce moment sous la houlette de Jean-Christophe Cambédélis) et se base sur l’idée que les électeurs se décident en sa faveur parce qu’ils adhèrent à ses idées (diversifiées et divergentes). La vérité est qu’ils n’ont toujours pas compris quelles sont les structures du phénomène Le Pen et qu’ils ne veulent surtout pas les connaître quand cela met en cause leurs intérêts, leurs croyances et leurs routines professionnelles. Parmi celles-ci on peut noter par exemple la confiance exagérée dans les chiffres fabriqués par les sondeurs, qui ont tendance à les enfermer dans ces croyances et ces routines et à ne pas voir ce qui se passe réellement.

A l’UMP et au PS, on pense futé par exemple de faire de la surenchère sur l’immigration dans les faits et dans les discours, alors c’est parfaitement stupide et contre-performant. Il faut dire qu’une grande partie du personnel politique se recrute dans les couches favorisées de la société et qu’il dispose rarement des connaissances accumulées par les sciences sociales pour compenser son éloignement social et son isolement dans le microcosme politique. Ils disent alors pas mal de bêtises qui peuvent être interprétées comme des mensonges. De plus, quand on voit les scandales de corruption et les mensonges éhontés de certains politiciens, cela encourage un rejet massif des élus, un reflux de la citoyenneté, un écœurement général.

Dans la gauche radicale, on se complait dans la désunion et un médiocre esprit de boutique qui finit par faire de ces dirigeants et de ces partis des complices objectifs du FN alors que la situation sociale leur est en théorie très favorable. Dans ces conditions, on se demande ce qu’il faudrait que Marine le Pen fasse pour ne pas bénéficier électoralement d’un tel contexte. Les autres en face sont vraiment très mauvais et certains voient même un intérêt à ce que son parti fasse de bons scores, comme lorsque François Mitterrand avait changé le mode de scrutin en 1985 afin d’essayer d’empêcher la coalition UDF-RP d’atteindre la majorité absolue à l’Assemblée nationale en 1986 ; ils eurent assez de députés pour créer un groupe mais pas pour empêcher une majorité alternative.

JOL Press

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