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A Dohouk, au Kurdistan irakien, «Libération» a rencontré deux femmes yézidies qui ont fui la captivité et les abominations des hommes de l’Etat islamique. Il resterait encore entre 2 000 et 3 000 yézidis esclaves du califat.

Dans une culture où la virginité des filles est considérée comme l’honneur d’une famille, les fanatiques s’acharnent sur les jeunes yézidies. «C’est simple, ils ont violé quasiment toutes les femmes, raconte une jeune activiste de Dohouk. Leur but était de ne laisser aucune fille vierge, et ils ont pris aussi les femmes mariées qui leur plaisaient.»

«Les hommes du califat ? Ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des bêtes !» s’écrie Adar (les prénoms ont été changés) en tordant nerveusement ses doigts sur sa robe de velours noir. La petite maison délabrée de Dohouk, au Kurdistan irakien où elle est réfugiée, donne sur une cour de terre battue, avec quelques poules déplumées, où les gamins jouent pieds nus, le visage couvert de mouches. C’est au moins un toit sur leur tête, avec l’hiver mordant qui est déjà là. Et surtout, c’est la liberté.

Encerclés dans leurs villages, ceux qui n’ont pu s’échapper à temps seront exécutés ou capturés comme «butin de guerre». Adar raconte : «Les hommes de Daech ont entassé tous les habitants de mon village dans des bus à destination de la Syrie. J’étais enceinte de neuf mois, j’étais avec mon mari et mes cinq enfants. Nous sommes arrivés près d’Alep, et là-bas, ils nous ont enfermés dans une école, ils ont pris tous nos bijoux, notre argent, nos pièces d’identité. On nous donnait à manger du riz moisi et de l’eau sale à boire. Les hommes de Daech, avec parmi eux des étrangers aux cheveux longs, menaçaient de nous tuer si nous ne nous convertissions pas à l’islam. Terrorisée, j’ai accepté. Maisdans mon for intérieur, je récitais mes prières yézidies.»

En captivité, Adar accouche d’une petite fille. «Je l’ai baptisée d’un prénom kurde qui signifie “celle qui s’est enfuie”», sourit-elle. Le septième jour, les hommes et les femmes sont séparés, «ils ont emmené mon mari et mes fils aînés». Les femmes sont envoyées à Mossoul, dans une maison derrière une grande mosquée. «Nous avons demandé où étaient nos hommes, les geôliers nous ont répondu qu’ils les avaient tués et enterrés au bulldozer. Puis ils nous ont à nouveau triées, les femmes mariées d’un côté et les jeunes filles de l’autre. J’ai donné mon bébé à ma nièce, pour faire croire que c’était le sien. Mais cela n’a pas marché. Ils avaient fait venir une docteur de Tal Afar pour vérifier que les filles étaient vierges […]

«Des hommes venaient par groupe de dix ou quinze pour choisir des filles, ils disaient qu’ils allaient les garder pour eux et ensuite les revendre. Leurs chefs sont passés les premiers et ont choisi les plus belles. Les femmes se frottaient le visage avec du charbon pour cacher leur beauté et elles ne prenaient pas de bains pour être sales. Mais cela ne servait à rien. Ils emmenaient même des fillettes de dix ans.» Adar raconte, en larmes, comment, le quatrième jour, on lui a arraché sa fille aînée : «Elle s’agrippait à ma robe en pleurant… Ils l’ont emmenée de force… Les filles qui avaient été choisies hurlaient, ils les traînaient par les cheveux, certaines appuyaient l’arme de leurs geôliers sur leur front en demandant qu’on les tue… L’une d’elle a demandé la permission d’aller aux toilettes. Là, elle s’est pendue avec son voile à un crochet de métal.» Quelques jours plus tard, deux adolescentes sont ramenées dans le bâtiment, «elles nous ont dit ce qu’ils leur avaient fait, que c’était des monstres, elles voulaient se tuer dès qu’elles en auraient l’occasion». […]

Liberation

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