Euro 2016 : les dépenses sont publiques, mais les recettes seront… privées !
Dans la nuit du mercredi 3 au jeudi 4 décembre, dans la plus grande discrétion, l’article 24 du projet de loi de finances rectificative pour 2014 a été adopté par la majorité socialiste. Un petit vote, mais de grands effets. Et pour cause: l’Assemblée Nationale vient tout simplement d’exempter la société commerciale «Euro 2016 SAS» d’impôts et de taxes pour toute la durée de la Coupe d’Europe des nations qui se déroulera en France en juin et en juillet 2016! […]
Les sociétés organisatrices seront exonérées de tout impôt, hors TVA. Un engagement pris dès la candidature de la France à l’Euro 2016, en 2010.
Après la TVA réduite sur les billets, un nouveau cadeau au pied du sapin pour le monde du football ?
Alors que l’exécutif fait les fonds de tiroir pour boucler son budget 2015, une mesure du projet de loi de finances rectificative pour 2014, présenté le 12 novembre en Conseil des ministres, pourrait bien faire quelques vagues.
Selon plusieurs sources, le gouvernement va exonérer de tout impôt les différentes entités chargées d’organiser l’Euro 2016 de football, qui se déroulera en France du 10 juin au 10 juillet 2016. En dehors de la TVA, qui est pilotée par des règles européennes, aucune taxe, aucun impôt sur les sociétés, aucune autre fiscalité française ne sera prélevée sur l’UEFA et ses filiales françaises.
Pour l’événement, une structure juridique ad hoc a été créée, baptisée « Euro 2016 SAS », et détenue à 95 % par l’UEFA et à 5 % par la Fédération française de football. Elle gère toute l’organisation de la compétition, à l’exception de la construction ou de la rénovation des stades et de la sécurité.
« Elle gère l’ensemble des droits commerciaux, marketing […], télé, “licensing” », expliquait en juin dernier Jacques Lambert, président d’Euro 2016 SAS aux « Echos ». Les bénéfices attendus sont évalués à 900 millions d’euros et proviendraient principalement des droits de retransmission.
Sans surprise, l’octroi d’un tel avantage fiscal repose sur les retombées économiques attendues de la compétition pour l’économie française. Un événement sportif de cette ampleur doit, en effet, permettre de moderniser les infrastructures publiques, à la fois aux niveaux local et national, et renforcer ainsi l’attractivité du pays dans son ensemble. L’UEFA ambitionne d’accueillir 2,5 millions de spectateurs, dont 1 million provenant de l’étranger.
Promesse
De fait, alors que les collectivités locales sont à la diète, d’importants investissements ont déjà été engagés dans les dix villes de France qui accueilleront les matchs. La France a prévu de réaliser 2 milliards d’euros d’investissements en totalité, dont 1,6 milliard pour les stades et 400 millions pour améliorer l’accès et les transports. Une taxe sur les mises de la Française des Jeux a d’ailleurs été conçue à cet effet. En contrepartie, l’UEFA s’est, de son côté, engagée fin octobre à reverser jusqu’à 20 millions d’euros aux villes hôtes.
Cette mesure d’exonération vient surtout graver dans le marbre un engagement pris par la France dès le dépôt de son dossier de candidature pour l’organisation de cette compétition, en 2010. Pour formaliser cette promesse, il fallait l’inscrire dans la loi.
La disposition ne poserait pas de problème juridique particulier – l’État a déjà accordé des avantages fiscaux spécifiques à des entreprises par le passé. Le dispositif doit d’ailleurs s’appliquer à toutes les entités chargées d’organiser les compétitions sportives internationales majeures qui se dérouleront en France. Reste à savoir quel sera le coût de ce nouveau régime pour les finances publiques.
(Merci à lotus & à Ubu)