Depuis quelques semaines, un mouvement anti-immigration, Pegida («Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident»), enfle dans plusieurs villes du pays. Personne n’avait vu venir la manifestation. Lundi soir, 10 000 personnes ont protesté pacifiquement dans les rues de Dresde malgré le froid mordant « contre l’islamisation de l’Occident » à l’appel de Pegida, un mouvement inconnu voici deux mois. Ce mouvement parti de rien et échappant à tout contrôle des partis inquiète la classe politique allemande alors que le pays est confronté à un mouvement d’immigration sans précédent.
« C’est très surprenant, explique Werner Patzelt, politologue à l’université de Dresde. C’est comme si quelque chose qui n’attendait que ça venait de se cristalliser… Pegida est né du fait qu’une partie importante de la population se rebelle contre un développement sur lequel on ne l’a pas consultée et qui n’a jamais été débattu : le fait que l’Allemagne devienne une terre d’immigration.»
Depuis, chaque lundi à la nuit tombée, le mouvement enfle. De 500 participants, on est passé à 10 000 en quelques semaines. Jeunes, vieux, hommes, femmes et même des familles ; la société civile semble se mobiliser. Et si quelques centaines de néonazis et une poignée de fonctionnaires du parti d’extrême droite NPD se mêlent aux drapeaux noir, rouge et or ou aux croix hissées au-dessus de la foule, ils semblent noyés dans le mouvement. […]
«J’observe le développement de Pegida depuis quelques semaines, explique le politologue Werner Patzelt. Et je constate la même chose que ce que disent les rapports de police : l’extrême droite est minoritaire dans le mouvement. Les gens qui se mobilisent sont des citoyens ordinaires, pas de gauche bien sûr, mais pas non plus néonazis. Ce sont des gens que la CDU pourrait atteindre si elle cessait de faire l’autruche avec le thème de l’immigration.» […]
Pegida menace de déborder les frontières de la Saxe. Wurtzbourg, Bochum, Munich, Cassel ou Bonn voient fleurir des mouvements similaires. A Leipzig, Pegida s’appelle Legida, et Dügida à Düsseldorf. Ces boutures ne mobilisent pour l’instant que quelques centaines à quelques milliers de personnes. Mais le mouvement pourrait s’étendre. […]
Débordés, la CDU et le SPD se contentent pour l’instant de dénoncer le mouvement sans rivaliser de déclarations pour soutenir la communauté musulmane. Quant au petit parti anti-européen AfD, qui se développe sur la droite de la CDU depuis des mois, il demande juste à ses membres de quitter les manifestations de Pegida si y apparaissaient des insignes nazis.