Par Philippe Corcuff | Sociologue, libertaire, altermondialiste
Un néoconservatisme xénophobe, sexiste, homophobe et nationaliste constitue aujourd’hui un terreau culturel ayant le vent en poupe. Ce qui s’avère favorable à la progression électorale de l’extrême droite. On y décèle :
- un pôle antisémite avec la figure du « politiquement incorrect » de salon pour Internet, Alain Soral,
- et un pôle islamophobe et négrophobe, avec un faux rebelle comme un poisson dans l’eau dans l’establishment médiatique, à destination de retraités druckerisés, Eric Zemmour.
Une analyse des discours de Soral et de Zemmour permet de commencer à dessiner les traits transversaux principaux de la nouvelle idéologie conservatrice française, par-delà la diversité réelle des points de vue et leurs contradictions :
- l’obsession de « l’identité », dans une mythologie voyant s’affronter des identités menaçantes (par exemple, « musulmane » ou « juive », ou plus globalement « le multiculturalisme » ou « les communautarismes ») et une visée de restauration d’une identité nationale « pure et originelle » fantasmée ;
- l’opposition entre « le social » (du côté du « vrai peuple ») et le « sociétal » (du côté des « bobos » – dénomination incontrôlée et extensible à souhait : une institutrice défendant des enfants sans papiers au sein du Réseau d’éducation sans frontières peut être stigmatisée comme « bobo » et un patron de province peut parler au nom du « vrai peuple ») ;
- la purification du « vrai peuple » de ses éléments supposés allogènes, la liste variant en fonction des auteurs : les Arabes et les musulmans, les Noirs, les juifs, les Roms, les gays et les lesbiennes, les femmes en général et les femmes voilées en particulier ; une vision fantaisiste donc d’un « vrai peuple » homogène du point de vue culturel, voire ethnique et religieux ;
- un « vrai peuple » nécessairement national et français opposé à l’Europe et au « mondialisme », diabolisés dans une logique nationaliste.
Galimatias légitimé par des figures de gauche
Malheureusement, dans le confusionnisme de l’époque, des figures situées à gauche participent, sous des formes soft, à doter de légitimité une partie de ce galimatias. C’est notamment le cas de Christophe Guilluy et de Laurent Joffrin.
(…) Rue 89