Si vous vous penchiez à l’intérieur d’une clôture monastique, vous pourriez apercevoir le secret de cette joie qui a fécondé l’Europe d’esprit chrétien : vous verriez une croix, un livre et une charrue.
La première source de la joie chrétienne est la croix, la croix qui est au centre de nos autels et de nos églises. Elle nous rappelle la primauté absolue du culte divin sur toute autre activité humaine, elle est une protestation contre le matérialisme exacerbé de notre société qui finit par vider la vie de son sens. Au contraire, la liturgie donne à la vie tout son sens, le sens de la transcendance absolue de Dieu sur les créatures et sur les hommes. Et c’est pourquoi saint Benoît a voulu en régler tous les détails afin que Dieu soit glorifié en toutes choses. Mais chez saint Benoît la liturgie est surtout le grand moyen de parvenir à l¹union intime de l’âme à Dieu et à la vie éternelle. C’est pour cela qu’il fait revenir inlassablement ses moines à l’oratoire. Saint Benoît a donné à la prière la meilleure part du temps, le meilleur moment de la journée : il n’a pas eu peur de « gaspiller » tout ce temps pour plaire à Dieu seul. […]
La deuxième source de joie que vous trouverez dans un monastère est le livre, le livre qui symbolise la culture. Saint Benoît a sauvé la culture antique et l’a développée en exigeant de ses moines qu’ils lisent plusieurs heures par jour : il a ainsi restauré le culte du savoir et l’amour de la vérité. Cela ne se pas fait sans peine ni sans travail, mais cela ne se fait pas non plus sans récompense et sans joie. Et aujourd’hui, c’est même devenu une question de vie ou de mort pour les âmes et pour la société. Car les esprits ont de plus en plus besoin de cette maturité que représente la culture pour ne pas être emportés par tous vents de doctrine qui soufflent en tempête. Mais il y a un enjeu bien plus terrible à plus ou moins longue échéance. C’est celui de la paix. La culture, en effet, est une condition indispensable pour que des hommes puissent vivre ensemble dans la paix. La société dans laquelle nous vivons est une culture de mort.
La troisième source de joie qui coule dans un monastère est la charrue par laquelle les bénédictins ont défriché les terres incultes pour en faire des jardins fertiles. Cela signifie que par un certain travail, par le sens du devoir et de la responsabilité, nous pouvons changer le monde. Le signe le plus inquiétant de la décadence est la perte de l’espérance et du sens du bien commun. N’ayez pas peur de vous engager tout entiers et de vous donner totalement au Christ et à son Église. Il vous demandera des renoncements et bien des fatigues. Mais ce n’est qu’en perdant votre âme de façon désintéressée que vous pourrez la trouver. L’homme est fait pour la charrue, il est fait pour se consacrer et travailler à une cause qui le dépasse. […]