Le constat peut paraître surprenant, tant la position opposée est répandue. A l’inverse donc de ceux qui pensent que la jeunesse actuelle est hyper à l’aise avec tout ce qui se trame sous le capot des portables, ordinateurs, tablettes et compagnie, Danielle George rétorque qu’il n’en est rien.
A l’occasion des conférences de Noël à la Royal Institution de Londres (une tradition qui remonte à 1825), cette professeur en ingénierie des radio-fréquences affirme que ce n’est pas parce que la génération actuelle est née dans un univers numérique et informatisée qu’elle y évolue comme un poisson dans l’eau. Ou alors si, mais littéralement: elle ne se pose pas trop de questions sur pourquoi l’eau est là, et comment, et selon quelle composition.
Contrairement à ce que peut laisser entendre l’expression de «digital native» (natif du numérique), Danielle George explique que la jeunesse, notamment en Grande-Bretagne, «est devenue une génération perdue qui ne peut plus réparer les gadgets et appareils», cite The Telegraph, précisément parce que cette jeunesse est née dans un monde où des machines très sophistiquées pullulent tout en semblant facile d’accès et d’utilisation.
«Toutes ces choses que nous avons chez nous semblent marcher la plupart du temps et parce qu’elles ne cassent pas, nous nous habituons à elles, a ajouté la scientifique, toujours selon le journal anglais. Elles sont presque devenus des boîtes noires qui ne meurent jamais. Et quand elles meurent, nous les jetons pour en acheter de nouvelles.»
Dans son exposé intitulé Sparks will fly: how to hack your home (et diffuse sur la BBC entre le 29 et le 31 décembre), Danielle George explique vouloir montrer aux jeunes gens qu’ils «ont le pouvoir de changer le monde de leur chambre, de la table de leur cuisine ou de leur jardin.»
Et salue au passage les efforts de la communauté de «makers», assez populaire aux États-Unis et qui commence aussi à faire parler d’elle en France: en clair, à tous ceux qui louent les bénéfices du bricolage, de la bidouille, du fait maison, du «do it yourself» (ou «DIY»).
Manière également de faire prendre conscience aux générations plus âgées que l’hyper-connexion de leur cadette ne suffit pas pour que tous ses représentants deviennent des génies de l’informatique. Et qu’il est peut-être nécessaire de le prendre en compte dans l’éducation de cette génération.
En 2013, un blogueur britannique, également prof d’informatique et administrateur réseau, en faisait l’amer constant dans un long article intitulé Les gamins ne savent pas utiliser les ordinateurs… Voici pourquoi ça devrait vous inquiéter (voici la traduction intégrale de son billet):
«La croyance populaire comme quoi toute personne de moins de 18 est un magicien de l’informatique est tout simplement fausse. Ils savent utiliser certains logiciels, particulièrement des applications web. Ils savent utiliser Facebook et Twitter. Ils peuvent utiliser YouTube et Pinterest. Ils savent même utiliser Word et PowerPoint et Excel.
Par contre, demandez-leur de réinstaller un système d’exploitation et ils sont perdus. Demandez-leur de changer leur disque dur ou leur mémoire vive et ils font une crise d’angoisse. Demandez-leur ce que veut dire https et pourquoi c’est important, et ils vous regarderont comme si vous leur aviez parlé klingon.»
De la même façon, les générations nées avec la télévision se sont encore moins demandées comment ce bidule fonctionnait que celle l’ayant vu débarquer dans tous les salons. Même chose pour la voiture: plus l’appareil est une évidence, moins il est transparent.
Et ce n’est pas anodin: ni en matière d’éducation, ni en matière de consommation, ni en matière d’indépendance, voire de liberté individuelle. C’est par exemple l’un des débats majeurs qui fait suite aux révélations d’Edward Snowden: comment faire comprendre à tous, jeunes et moins jeunes, digital natives ou non, l’importance de garder en tête certains détails sur le fonctionnement des sites qui nous accompagnent chaque jour. En nous suivant parfois à la trace.