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Polluer lacs et rivières en toute impunité faciliterait grandement les affaires de beaucoup d’entreprises en Russie. C’est le raisonnement de quelques députés, dont un milliardaire, qui tentent de faire adopter une proposition de loi qui modifierait le Code de l’eau dans ce sens. Une manœuvre qui met en danger la qualité de l’eau du robinet, déjà dégradée par l’attitude d’industriels irresponsables.

Des députés de Russie unie, le parti au pouvoir, cherchent à instaurer un droit à polluer les rivières. Leur proposition de loi modifiant le Code de l’eau autoriserait les usines de rejeter les eaux usées dans les zones de protection sanitaire des sources d’eau potable.

L’article qui est visé (art. 44), “entrave le développement des entreprises” et “nuit aux budgets local et fédéral”, justifient-ils. Le Comité de la Douma chargé d’examiner le texte et le ministère des Ressources naturelles ont émis fin novembre un avis négatif. Peut-être ont-ils été convaincus par les arguments de Greenpeace Russie, dont la pétition a récolté plus de 17000 signatures? Mais les six auteurs du projet n’entendent pas baisser les bras pour autant.

Connivence entre élus et industriels

Parmi eux figure le milliardaire Mikhaïl Slipentchouk. Propriétaire du groupe d’investissement Métropol, actionnaire de Gazprom, Sberbank et autres géants russes, “il est connu pour ses initiatives législatives anti-écologiques”, précise Nina Lesikhina, spécialiste substances toxiques de Greenpeace Russie. Le soutien d’un élu de la République de Bachkirie, Raphaël Mardanchine, provoque aussi la colère d’associations environnementales locales. Elles l’accusent de défendre les intérêts de Kronospan, l’un des plus grands producteurs mondiaux de panneaux de bois qui veut construire une usine à proximité d’un cours d’eau.

La crainte des associations écologiques: la pollution au formaldéhyde, un cancérigène notoire présent dans les colles utilisées pour la fabrication des panneaux de bois. “En France, Kronospan utilise des filtres efficaces pour ses eaux usées. Pas en Russie, où l’entreprise a très mauvaise réputation”, affirme Vera Popova, du mouvement AntiKronospan. Si une réforme du Code de l’eau venait à être adoptée, cela “donnerait carte blanche aux entreprises pour nous empoisonner”, estime la militante.

Or, la Cour suprême ne l’entend pas de cette oreille. Deux semaines avant le dépôt de la proposition de loi, celle-ci avait reconnu en appel la primauté du Code de l’eau sur certaines dispositions sanitaires autorisant le déversement d’eaux usées. C’est cette décision du 25 septembre dernier qui a mis la puce à l’oreille des entreprises et le sujet à l’agenda des députés, selon les associations.

Une eau déjà fortement contaminée

“Les normes de rejets dans l’eau sont déjà peu respectées des entreprises. Mais sans interdiction de rejet des eaux usées près des sources d’eau potable, il sera impossible de les poursuivre devant les tribunaux, estime Nina Lesikhina. Les pollueurs ne connaîtraient même plus de limites.”

Or, l’an dernier, les autorités ont relevé, dans 45 régions, 5326 dépassements de normes, dont 2843 cas de forte contamination! Les cas de pollution au mercure, dont le rejet est totalement banni, ont triplé par rapport à l’année précédente. Et ces données sont encore sous-estimées. Celles concernant les métaux lourds ont par exemple été quasiment exclues des derniers rapports officiels, d’après Nina Lesikhina.

En 2013, les dix échantillons prélevés par Greenpeace dans la Moskva, la rivière qui traverse la capitale russe, ont tous montré des concentrations excessives de substances dangereuses pour la santé des Moscovites. Aux environs de la raffinerie de Gazprom Neft, la teneur en produits pétroliers dépasse de 8 fois les normes autorisées et celle en manganèse de 120 fois la concentration maximale admise.

Si la bataille pour maintenir le Code de l’eau semble gagnée cette fois, le projet de loi n’a pas encore été retiré. Surtout, les attaques contre la législation environnementale se multiplient. Une loi a récemment supprimé les études d’impact environnemental. A partir du 1er janvier 2015, toute construction bâtie selon les “meilleures technologies disponibles” – dont la liste sera établie par le gouvernement – pourra s’en passer, y compris dans les zones naturelles protégées.

novethic

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