Mettre en visibilité, au même niveau que le PIB, de nouveaux indicateurs de qualité de vie et de développement durable, et en faire de véritables outils de pilotage des politiques publiques : tels sont les objectifs de la proposition de loi qu’Eva Sas, député écologiste, a déposé à l’Assemblée nationale. Proposition qui sera débattue au mois de janvier.
Quelle est la teneur de votre proposition de loi sur les nouveaux indicateurs de richesse ?
Nous demandons que le gouvernement remette au Parlement, le premier mardi d’octobre de chaque année, lors de la publication de la loi de finance, un rapport présentant « l’évolution, à moyen terme, des indicateurs de qualité de vie et de développement durable, ainsi qu’une évaluation qualitative ou quantitative de l’impact des principales réformes engagées l’année précédente ou envisagées pour l’année suivante ».
Il ne s’agit pas de faire un nouveau tableau de bord que personne ne consulte, mais de mettre en visibilité des indicateurs déjà existants, comme l’indice synthétique de santé sociale ou l’empreinte écologique, et de leur offrir un même niveau de communication que le PIB.
Pourquoi relancer le débat alors que la France est pionnière dans ce domaine ?
Certes, mais, depuis la commission Stiglitz, de 2009, il n’y a pas eu de réelle avancée au niveau national. Ainsi, l’annexe statistique du Rapport économique, social et financier est très peu consultée et le foisonnement d’indicateurs sélectionnés (une vingtaine) ne peut concurrencer la simplicité et la lisibilité du PIB. Autre limite : beaucoup de ces indicateurs sont publiés avec retard, trois ans pour ceux concernant la réduction des inégalités !
La crise économique a relégué la question des nouveaux indicateurs de richesse à l’arrière plan. Pourtant, c’est justement en ce moment, et pour faire face aux autres crises – environnementale et sociale – qu’il faut relancer le débat. Les nouveaux indicateurs de richesse sont la clef d’une nouvelle politique économique. Il ne s’agit pas de les substituer au PIB, mais de prendre ce dernier comme un indicateur intermédiaire qui permet de mesurer la croissance économique.
Concrètement, nous devons évaluer nos politiques publiques à l’aune de véritables objectifs que sont la création d’emploi, la qualité de vie, la protection de l’environnement et la réduction des inégalités. Les nouveaux indicateurs doivent ainsi redonner du sens à l’action politique.
Les collectivités territoriales vont-elles dans le bon sens ?
Les régions, surtout, ont une longueur d’avance. En témoigne le rapport de l’Association des Régions de France. La région Nord-Pas-de-Calais est, dans ce domaine, un laboratoire d’innovation. Il faut s’inspirer de cet exemple pour rattraper notre retard à l’échelle de la France.
Le problème, c’est la résistance au changement : la majorité des élus politiques au niveau national sont restés bloqués à l’époque des Trente Glorieuses, quand le seul outil à disposition était la croissance et que l’on n’avait pas conscience de la limite des ressources naturelles.
Désormais, l’hypothèse d’un scénario de croissance faible sur une longue période ne peut plus être écartée. De même, on sait maintenant qu’une consommation infinie dans un monde aux ressources finies n’a pas de sens. Il faut donc changer de paradigme, s’ouvrir aux nouvelles idées et ainsi réfléchir à de nouveaux outils. On peut s’inspirer également d’expériences très intéressantes initiées à l’étranger que recense l’article Les nouveaux indicateurs de prospérité : pour quoi faire ? Enseignements de six expériences nationales.
Quelle garantie avez-vous de voir votre proposition se concrétiser ?
Notre proposition de loi va être débattue, au mois de janvier, en commission, certainement celle des finances, de l’économie et du contrôle budgétaire. Nous avons demandé l’audition de l’OCDE, de France Stratégie, de FAIR et de l’Iddri. Dès lors, la bataille culturelle est engagée.