Extraits d’un texte de Bernard-Henri Lévy publiée sur son blog La Règle du Jeu et Le Monde.
Aux citoyens que nous sommes, il appartient de surmonter la peur, de ne pas répondre à la terreur par l’effroi et de s’armer contre cette hantise de l’autre, cette loi des suspects généralisée, qui sont, toujours ou presque, le fruit de pareils ébranlements.
A l’heure où j’écris, la sagesse républicaine semble l’avoir emporté. Ce « Je suis Charlie » inventé au même moment, et comme d’une seule voix, dans toutes les grandes villes de France signe la naissance d’un esprit de résistance digne de ce que nous avons connu de meilleur.
Et les incendiaires des âmes qui prêchent sans relâche la division entre Français de souche et de papier, les fauteurs de troubles qui, au Front National et ailleurs, voyaient déjà dans ces douze exécutions une nouvelle divine surprise attestant l’inexorable avancée du « Grand Remplacement » et notre lâche soumission aux prophètes de la « Soumission » en sont visiblement pour leurs frais.
La question, néanmoins, c’est : jusqu’à quand ? Et il est essentiel qu’à la « France aux Français » de Madame Le Pen et des siens continue de répondre, le temps de l’émotion passé, « l’Union Nationale » des Républicains de tous bords, de toutes obédiences et de toutes origines qui sont, dans les heures qui ont suivi le carnage, bravement descendus dans la rue.
Car l’Union Nationale c’est le contraire de la France aux Français. L’Union Nationale c’est, de Caton l’Ancien aux théoriciens du Contrat social moderne, une belle notion qui, parce qu’elle est parente de l’art de la guerre juste, ne se trompe finalement jamais d’ennemi. L’Union Nationale c’est l’idée qui fait que les Français ont compris que les tueurs de Charlie ne sont pas « les » musulmans mais l’infime fraction d’entre eux qui confondent le Coran avec un livre des supplices – et cette idée, oui, doit impérativement survivre à ce sursaut citoyen magnifique. […]