François Heisbourg est le président de l’Institut International d‘Études Stratégiques.
Le choix de cible montre que les organisateurs de l’attentat ne cherchaient pas particulièrement à influer sur la stratégie de la France ou sur la politique de la France mais voulaient attaquer la démocratie et la liberté. Non les terroristes ont vraiment cherché une cible symbolique de ce qui différencie le terrorisme islamique des civilisations libres, démocratiques. C’est en soi intéressant, car d’autres groupes terroristes à d’autres moments ont cherché à influer sur la politique de l’État, ce n’est pas le cas en ce qui concerne cet attentat. […]
L’opération a été conduite de façon professionnelle, militaire avec une très grande économie dans la gestuelle des terroristes, une très grande discipline de feu. Cela ressemble beaucoup au plan opérationnel aux commandos qui avaient opéré à Bombay il y a quelques années en Inde. Ce sont des tueurs qui ont été entraînés pour commettre ce type d’opération et pour les cas échéants, la répéter. Ce n‘étaient pas des kamikazes.
Si on devait découvrir par la suite qu’ils ont été entraînés par Daech ou un groupe semblable à Daech, je n’en serai pas surpris mais à ce stade on ne peut avancer que des hypothèses et le plus urgent à ce stade, c’est de les attraper car ils sont toujours à ma connaissance dans la nature avec la capacité de commettre de nouveaux attentats.
[…]On ne peut pas tirer de conclusion en ce qui concerne l’identification du commanditaire. […] Un combat a lieu en ce moment entre Daech et Al Qaïda, pour savoir qui va incarner la recherche du califat car Al Qaïda avait aussi l’ambition d‘établir le califat et ceci peut expliquer à la fois le choix de la cible et le fait que les terroristes n’est pas voulu lancer un message d’influence sur la stratégie de la France et je ne serai pas surpris que les commanditaires de cet attentat aient inscrit leur geste dans la lutte pour une part particulière du marché du jihadisme, si je puis employer cette expression pour pouvoir motiver ses propres recrues et pour pouvoir en attirer des nouvelles au dépens de l’organisation concurrente. La logique du choix de la cible ne peut pas s’expliquer très facilement en dehors de ce type de schéma.
La France n’a jamais cessé d‘être une cible du terrorisme depuis la fin des années 90. A l‘époque, où on avait élaboré le premier livre blanc sur le terrorisme en 2005, on avait recensé une moyenne de deux attentats majeurs déjoués chaque année entre 1998 et 2005. Et à ma connaissance, le rythme ne s’est pas ralenti depuis. Ce qui s’est passé c’est que les services de sécurité ont dans l’ensemble pu déjouer la plupart des attentats, et jusqu‘à l’affaire Merah et maintenant cette nouvelle et très inquiétante affaire, très inquiétante à cause du professionnalisme des moyens et la capacité pour l’organisation qui a organisé cet attentat d’en commettre d’autres du même genre.[…]
L’opération à Paris, aujourd’hui, qui a été l’acte de terrorisme le plus meurtrier que la France ait vécue depuis la fin de la guerre d’Algérie sur son territoire.