Extraits d’un entretien (2008) avec Alain Besançon, agrégé et docteur en histoire, membre de l’Institut, membre de l’Académie des sciences morales et politiques.
L’histoire est quand même formelle : les populations musulmanes ne se fondent pas dans la population alentour. C’est un fait, un simple fait. Le 20e siècle a vu une purgation des zones mixtes. Par exemple, il y avait beaucoup de chrétiens en Turquie, en Égypte etc… Ils sont tous partis. Il y avait des musulmans en Grèce, dans les Balkans… Ils sont tous partis. Il y avait des Français en Afrique du Nord, ils sont tous partis…
Historiquement, ça n’a jamais duré longtemps. Et ça s’est toujours terminé soit de façon plus ou moins pacifique, soit de façon très brutale comme en Espagne, ou comme en Turquie, par l’expulsion du corps étranger.
Texte de l’entretien (saisie partielle) :
“Gérer une population musulmane, ce n’est pas du tout comme gérer une population chrétienne comme l’étaient les Espagnols, les Portugais, les Italiens… qui se sont intégrés sans aucune difficulté en France. Il y a eu quelques frottements mais (…) ça n’a pas posé le moindre problème. Les Vietnamiens aussi se fondent tout de suite dans la population, trouvent du travail etc.
Avec ces nouvelles populations musulmanes, il y a deux problèmes :
• elles sont peu qualifiées pour la plupart, et ont par conséquent beaucoup de mal à s’intégrer dans une économie moderne, parce qu’on a pas besoin d’eux. D’ailleurs, ils ne viennent plus tellement pour travailler, mais pour bénéficier des soins etc…
• et la deuxième chose, c’est qu’ils sont musulmans. Et alors là, l’histoire est quand même formelle : les populations musulmanes ne se fondent pas dans la population alentour. C’est un fait, un simple fait. Je n’ai pas d’explication directe, mais le fait est que le 20e siècle a vu une purgation des zones mixtes. Par exemple, il y avait beaucoup de chrétiens en Turquie, en Égypte etc… Ils sont tous partis. Il y avait des musulmans en Grèce, dans les Balkans… Ils sont tous partis. Il y avait des Français en Afrique du Nord, ils sont tous partis…
Donc, la mixité est une chose extraordinairement difficile à réaliser. Historiquement, ça n’a jamais duré longtemps. Et ça s’est toujours terminé soit de façon plus ou moins pacifique, soit de façon très brutale comme en Espagne, ou comme en Turquie au lendemain de la 2e guerre mondiale, par l’expulsion du corps étranger.
Il y a eu des moments de coexistence, mais ça a toujours été dans le cadre d’un empire. Mais à partir du moment où l’empire se fragmente, et à partir du moment où commence à se développer l’idée nationale, alors les hétérogénéités apparaissent et deviennent brulantes. Et c’est ainsi que les Turcs, par exemple, entre 1915 et 1922, ont exterminé les Arméniens et ont expulsés les Grecs. L’Algérie, à partir du moment où elle a vu qu’elle ne pouvait pas tenir dans l’Empire français et en même temps développer ses aspirations nationales, ça s’est terminé par une guerre et une expulsion des Français.
La France a recueilli des millions de Belges de Polonais, de Portugaus, d’Espagnols. Ça n’a pas fait la moindre histoire. Hors, là justement, ce qui est spécifique, c’est l’islam. Et il faut bien savoir ce qu’est l’islam, et ne pas penser que c’est quelque chose comme les différences entre protestants et catholiques, ou entre juifs et chrétiens ou entre bouddhistes… C’est tout à fait spécifique. Et c’est ça qui pose problème.
Alors, les musulmans ont une perspective pour la France. Il y a des cartes qui mettent la France dans la “oumma” musulmane, qui considèrent que la France est un pays de mission musulmane. D’ailleurs l’islam s’est toujours considéré comme une religion de mission et il y a un statut prévu pour les chrétiens, ou ce qu’il en restera : c’est le statut de dhimmi. C’est le statut des chrétiens en Égypte ou en Syrie, des citoyens de seconde zone, qui ne sont pas massacrés, mais qui doivent payer une capitation particulière [un impôt], et qui sont exclus des emplois. Je pense qu’il y a des musulmans qui ont cette perspective pour la France. Elle est encore éloignée, en tout cas certains l’ont…