On n’avait pas connu cela depuis la période des années 1920 et 1930. C’est le résultat principal d’une nouvelle étude des excellents Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, relayée par le Guardian (13 novembre 2014. On y trouve un lien vers l’étude complète).
Depuis le milieu des années 1970, la part de la richesse (au sens du patrimoine) des ménages détenue par le millième le plus riche (les 0,1%) est passée de 7% à 22% (courbe en bleu clair ci-dessous). Et depuis le milieu des années 1980, celle des 90 % les moins riches a dégringolé de 37% à 22,8% (courbe en bleu foncé). Les deux courbes se rejoignent presque en 2012.
Je pourrais m’en tenir là. Mais voici quand même un deuxième graphique pour les fêtes, issu de la même étude. Car au sein de ces 0,1% regroupant des ménages ultra riches, on peut distinguer les hyper ultra riches, les 0,01 %, le top dix millièmes. Et ce qui est franchement intolérable, c’est l’inégalité entre les ultra riches !
Depuis la fin des années 1970, la part de la richesse détenue par ceux qui sont entre les 1% et les 0,5% les plus riches a en fait très peu varié (courbe gris clair du graphique ci-dessous)). C’est « mieux » mais pas fulgurant pour ceux qui sont entre les 0,5% et les 0,1% (courbe noire). Quant aux 0,1% qui nous intéressent, on a deux groupes. D’abord, les 90% les moins riches de ces ultra riches (courbe bleue), dont la part dans la richesse des ménages progresse de 5% à près de 11%, un très belle performance. Mais ils sont battus à plate couture par les 10% les plus riches parmi les ultra riches, autrement dit les 0,01%, soit un dix-millième des ménages (courbe rouge), qui bondissent de 2,2% à plus de 11% de la richesse détenue, parvenant ensemble à dépasser le groupe de leurs frères ultra riches pourtant neuf fois plus nombreux.
Un dix-millième (soit 16.000 ménages) détenant 11,2% du total pendant que 90 % (144,6 millions de ménages) en détiennent 22,8%, cela correspond à UN ECART DE 1 A 44.200 ENTRE UN MENAGE MOYEN DES 90% ET UN MENAGE MOYEN DU TOP 0,01%. L’étude fournit d’ailleurs les niveaux absolus de richesse moyenne par ménage : celle des 90 % est de 84.000 dollars, celle des 0,01% est de 371 millions.
Ce qui importe peut-être le plus dans ces chiffres ahurissants est que l’on compare les ultra riches non pas aux pauvres (lesquels ont souvent un patrimoine net nul ou négatif), mais à presque tout le monde (les 90 %).
Quant à savoir si cette situation annonce une crise majeure, plus grave que celle qui a commencé en 2007/2008, je n’en sais rien. Mais comme il y a d’autres indices d’une énorme bulle financière américaine (voir ce billet), sans parler des risques persistants en Europe, je tiens cette hypothèse pour crédible.