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« Je ne suis pas Charlie » : la phrase était inscrite sur le colis suspect trouvé, ce vendredi 9 janvier, dans la salle des professeurs du lycée Paul-Eluard de Saint-Denis. « Il n’y avait pas de bombe, mais des câbles et un détonateur », soufflent Maryam et Marie-Hélène, deux élèves de 1re, à la sortie des cours, encore chamboulées par « cette semaine de fous ». (…)

La plupart des élèves croisés, vendredi après-midi, à Saint-Denis s’y reconnaissent. Ils condamnent l’assassinat des caricaturistes… Mais presque autant que leurs caricatures. Pour tous, la vie est sacrée, mais la religion aussi. « Moi, la minute de silence, je ne voulais pas trop la faire, lâche Marie-Hélène, 17 ans, je ne trouvais pas juste de leur rendre un hommage car ils ont insulté l’islam, et les autres religions aussi. »
Ce que Maryam, sa camarade, redoute aujourd’hui, c’est « la haine qui va encore aller sur l’islam ». La jeune fille de 16 ans fait état de « filles voilées », comme elle, qui auraient été « agressées par des skinheads dans le 9-4 » (pour « 94 », département du Val-de-Marne), croit-elle savoir. Toutes deux ont tout de même respecté le temps de recueillement, jeudi 8 à midi, appelé de ses vœux par le gouvernement. « Même ceux qui ne voulaient pas sont restés silencieux », disent-elles. (…)

« ILS AURAIENT PU NE TUER QUE LUI »

C’est aussi le cas d’Abdel, 14 ans, en 4e au collège Pierre-de-Geyter, un peu plus dans le sud de la ville. « Bien sûr que tout le monde a participé à la minute de silence, et il y avait tous les musulmans », insiste-t-il. Mais il ne cache pas sa motivation : « Je l’ai fait pour ceux qui ont été tués, mais pas pour Charlie [Charb], le mec qui a dessiné. Je n’ai aucune pitié pour lui. Il a zéro respect pour nous, les musulmans. Mais ce n’était pas la peine de tuer douze personnes. Ils auraient pu ne tuer que lui. »
Abdel n’est pas le seul collégien à penser, en dépit des débats organisés par la plupart des enseignants, un peu perdu dans le flot d’informations déversés sur les réseaux sociaux, que « Charlie » était l’unique dessinateur de l’hebdomadaire attaqué.
Difficile, pour les plus jeunes, d’articuler le respect de la vie avec ce qu’ils considèrent comme une atteinte à l’islam. « J’ai jamais vu dans ma religion qu’il fallait tuer », explique Mehdi, 16 ans, croisé avec deux camarades non loin du lycée Paul-Eluard, où tous trois étudient. « Il y a des élèves qui disent qu’à Charlie, ils l’ont cherché », le coupe Yohan. « Je ne suis pas d’accord avec le contenu [des caricatures], mais je suis contre l’attentat », affirme Yacine, avant d’ajouter : « Mais les dessinateurs, ils ne sont pas blancs dans cette affaire. »

COMPARAISON AVEC DIEUDONNÉ

Les caricatures du Prophète, ces adolescents reconnaissent qu’ils ne les avaient jamais vues avant l’attentat. Ils se sont rattrapés depuis, prenant connaissance de tous les dessins, y compris de ceux que Charlie Hebdo n’avait pas publiés dans ses pages. « C’est de la rigolade, lâche Yacine, mais beaucoup de jeunes font la comparaison avec Dieudonné : lui, pour les quenelles, on l’a sanctionné ; pour Charlie, on invoque la liberté d’expression… » (…)

Minute de silence : des « cas de perturbation » traités « localement », dit le ministère
« Dans la très grande majorité des cas, tout s’est bien déroulé lors de la minute de silence, jeudi 8 janvier à midi », affirme-t-on au ministère de l’éducation nationale, en précisant être encore dans l’attente de « remontées ». « Les personnels ont été à l’écoute des élèves », explique-t-on dans l’entourage de la ministre, Najat Vallaud-Belkacem. « Néanmoins, certains cas de perturbation de la minute de silence par des élèves nous ont été signalés. Ils ont été traités localement par les équipes éducatives, de manière proportionnée à la gravité des faits. »

Les syndicats d’enseignants et de chefs d’établissement sont sur la même ligne. Pour le SNUipp-FSU, majoritaire au primaire, la minute de silence a été « un moment solennel largement respecté », explique son secrétaire général, Sébastien Sihr. Pour le SE-UNSA, il y a bien eu « des difficultés ici ou là », mais « les professeurs gèrent au mieux en fonction des publics et des territoires ». Le SNPDEN, majoritaire parmi les proviseurs, évoque des « contestations moins importantes que lors de l’affaire Merah », même s’il fait état de « collègues inquiets au point, dans certains établissements, de renoncer au temps de recueillement et de débat ». Dans l’enseignement supérieur, rien à signaler, selon les présidents d’université.

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