Par Alexandre Del Valle
Le terrorisme islamiste et le terrorisme intellectuel sont inséparables. La dénonciation de l’islamophobie est légitime si elle désigne les atteintes aux musulmans en tant qu’êtres humains. Mais elle est une atteinte à la liberté d’expression si elle désigne ceux qui critiquent la religion musulmane.
Les démocraties occidentales semblent désarmées et vulnérables face au “totalitarisme vert” qui sait retourner contre elles leur mauvaise conscience et leurs valeurs antiracistes.
D’où vient l’exception islamique en matière de critique ?
Alors que nulle autre religion n’est protégée de la critique dans nos sociétés sécularisées, la rédaction de Charlie, se demandait à juste titre, juste avant les attentats, après avoir été accusée d’islamophobie : “au nom de quoi la religion musulmane devrait, elle, être épargnée” ?
A la question de savoir pourquoi la religion musulmane – pourtant celle qui persécute le plus les membres des autres religions là où elle règne – est exonérée de toute autocritique de fonds et bénéficie d’un traitement d’exception de la part de nos élites politiques et intellectuelles, la réponse est en fait double: si l’islamophobie est plus dénoncée et combattue que toute autre forme de « phobies » anti-religieuse, c’est premièrement parce que les lobbies, États et organisations islamiques ne cessent d’exercer des pressions pour dénoncer et faire taire ceux qui critiquent l’islam, et, deuxièmement, parce que l’islam fait plus peur que toute autre religion.
C’est là un fait indéniable. Et « les faits sont têtus » comme disait Lénine.
Certes, la violence terroriste et jihadiste est le fait d’une minorité. Et les adeptes du salafisme ne représentent pas tous les croyants musulmans. Loin de là. Mais les actes violents de ces minorités capables d’intimider, frapper, tuer et terrifier de l’Irak jusqu’à l’Australie en passant par la Chine, les États-Unis, et même nos villes d’Occident dissuade très efficacement la plupart des comiques, des antireligieux et des blasphémateurs, exceptés justement quelques libertaires barjots prêts à risquer leurs vies comme les Theo Van Gogh, les dessinateurs de Charlie Hebdo, les Houelbecq ou autres Brigitte Bardot ou Oriana Falaci.
Mais l’essentiel des responsables politiques, intellectuels ou journalistes ne s’y frotte pas ou plus. Pour la grande majorité des antireligieux d’Occident, il est bien moins risqué d’attaquer l’Église catholique et les chrétiens en général. Les plus intégristes des fidèles du Christ font d’ailleurs pâle et tiède figure et ils paraissent bien inoffensifs face aux moins fous des islamo-terroristes.
Vers le rétablissement de facto du délit de blasphème ?
Le délit de blasphème a été définitivement aboli au XIX ème siècle en France. Dans le reste de l’Europe ou aux États-Unis, sociétés certes moins laïques que la France anticléricale, le délit de blasphème n’est également qu’un vieux souvenir. Depuis des décennies, le fait de caricaturer les Prophètes, les Papes, les prêtres, les bonnes sœurs, les moines ; le fait de blasphémer sans limites et même d’insulter les religieux, en particulier ceux de l’Église catholique, est plus que toléré dans nos démocraties.
Depuis des décennies, insulter, ridiculiser Jésus, la Vierge Marie, les Saints, et même Abraham ou Moïse est de mise. Et personne n’est plus condamné, ni même sermonné pour cela par ceux qui fustigent en permanence « l’intolérance » de l’Ancien testament ou les « guerres saintes » de la Chrétienté. Mais gare à ceux qui osent critiquer la violence du Coran et de la Charià…
Car l’esprit d’autocritique, de rigueur à propos du christianisme, est bien moins partagé en matière d’islam. Les grands responsables musulmans d’Occident et d’Orient ne le tolèrent en effet ni de la part de leurs fidèles ni de la part des « mécréants », continuellement sommés de dénoncer l’islamophobie et même de dire du bien de l’islam (mythes d’Al Andalous qui cohabitait en paix avec les juifs et les chrétiens ; mythes de la supériorité de la « science arabo-musulmane », etc) ; Mieux, même lorsque explosent des bombes au nom de l’islam ou qu’un jihadiste tue au nom du Prophète ou du Coran, les responsables musulmans crient à l’amalgame et à l’islamophobie au lieu d’engager une réforme de l’islam et de désacraliser les pans entiers de la loi islamique qui justifient hélas la violence.
Ceci n’est pas l’observation des « islamophobes », mais des musulmans réformistes et libéraux eux-mêmes, à l’instar de Souheib et Ghaleb Bencheick, d’Abdel Wahhab Medeb ou de Mohamed Charfi ou leur prédécesseur Abdel Razeq, le grand théologien-savant d’Al-Azhar qui fut hélas déclaré hérétique pour avoir osé réclamer un aggiornamento de l’islam dans son livre publié en 1925 « L’islam et les fondements du pouvoir ». Depuis, le monde musulman a jeté le bébé du progressisme et du réformisme avec l’eau de l’anticolonialisme et s’est bloqué puis refermé sur lui-même en refusant toute autocritique.
De son côté, l’Eglise catholique, éprise de mauvaise conscience depuis le Concile Vatican II a renoncé depuis longtemps à exiger le respect du sacré de la part des non-croyants. Elle ne perd pas son temps dans des procès en christianophobie quand bien même celle-ci est parfois manifeste dans nos sociétés désenchantées qui ont mis au pas le Clergé depuis belle lurette. Ainsi, les innombrables profanations de cimetières ou d’églises chrétiennes ne font jamais la une des journaux, pas plus que la christianophobie meurtrière planétaire, bien plus massive et réelle que la supposée « islamophobie » dénoncée par tous.
Quant aux nouvelles religions installées en Europe, du sikhisme au boudhisme en passant par le totémisme/animisme africain ou l’hindouïsme, on a jamais vu leurs fidèles fustiger violemment la République ou accuser les pays d’accueil occidentaux d’être « hindouïstophobes » ou « boudhistophobes » ou sikhophobes » sous prétexte que leurs religions seraient critiquées, moquées ou que leurs lieux de cultes (souvent plus précaires que ceux des musulmans) seraient insuffisants ou insalubres. Les militants des droits de l’homme ne cessent de dénoncer le système des castes et l’infériorité des Intouchables permis par l’hindouïsme, mais aucun mouvement hindouïste présent en Europe n’a jamais accusé ceux qui dénoncent l’intolérance hindouïste d’être « racistes ». Les Hindouïstes sont pourtant eux aussi plus d’un milliard.
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