C’est bien de dire la vérité au malade, d’employer les mots justes, et non, sous prétexte de ne blesser personne, de se cacher derrière les euphémismes dictés par le “politiquement correct”. C’est même très bien, à condition de ne pas se tromper. Dans le discours qu’il a prononcé à l’occasion de ses voeux à la presse, mardi 20 janvier, Manuel Valls s’est attardé sur les “maux qui rongent notre pays”.
Pour le Premier ministre, il existe en France “un apartheid territorial, social, ethnique“. Très fier de lui, le chef du gouvernement a même rappelé qu’il avait employé ce terme d’apartheid dès 2005, comme pour exalter sa propre clairvoyance. Il n’a pas parlé de ségrégation, un vocable très fort et déjà provocant qui prêterait à discussion. Non, pour lui, en France, c’est encore bien pire. C’est le régime de l’apartheid qui prévaut.
Cela dénote au mieux une faute de français, au pire une erreur de jugement au regard de l’histoire. L’apartheid, en effet, est un mot afrikaans qui signifie littéralement séparation. Il désigne la politique systématique de discrimination raciale qui a eu cours en Afrique du Sud de 1948 à février 1991.
Une caricature
Évoquer l’apartheid, autrement dit une politique délibérée de discrimination ethnique menée par le pouvoir en place, relève déjà de la caricature quand on est dans l’opposition. C’était le cas de Manuel Valls en 2005. Mais c’est un comble, une erreur, presque une faute politique, de récidiver lorsqu’on conduit et dirige la politique de la France.
Comme si ce contresens ne suffisait pas, le Premier ministre s’insurge aussi, dans son discours, contre “les discriminations quotidiennes parce qu’on n’a pas le bon nom de famille, la bonne couleur de peau, ou bien parce qu’on est une femme”. L’apartheid des femmes, dans une démocratie comme la France ? Même les voix féministes les plus acerbes n’y avaient pas pensé !