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Ce 21 janvier était la Journée internationale du câlin. Une nouvelle industrie prend justement son envol aux États-Unis: partout dans le pays, des professionnels proposent de prodiguer un moment de tendresse platonique en échange d’une rémunération.
Kimberley Kilbride est câlineuse professionnelle. Moyennant 80 dollars de l’heure [68 euros] ou jusqu’à 400 dollars la nuit [340 euros], cette mère de trois enfants enfile un pyjama de flanelle, remise ses photos de famille et invite des clients dans sa chambre à coucher de Highland, dans l’État de New York, pour leur faire des câlins. La chose demeure strictement platonique, tient-elle à souligner.

L’industrie du câlin est en plein essor. On trouve des câlineurs professionnels dans seize États américains au moins. Des milliers de personnes les sollicitent pour se faire serrer, chatouiller et étreindre pour un prix déterminé.

Je suis une convertie”, confie ainsi Melissa Duclos-Yourdon, 35 ans, écrivaine et journaliste indépendante de Vancouver, dans l’État de Washington. Elle a fait appel à un câlineur après en avoir entendu parler par des membres de son club de lecture. Elle s’est dit que cela pourrait lui donner de la matière pour écrire un essai. Après avoir tenté l’expérience, elle admet s’être “sentie transformée”.
Si le câlin professionnel existe depuis quelques années, il suscite un intérêt croissant ces derniers temps, notamment grâce à des applications pour mobile et des services de rendez-vous en ligne dédiés.

Cuddlr, une application gratuite lancée en septembre et qui permet aux utilisateurs de trouver des câlineurs proches de chez eux, a déjà été téléchargée 240.000 fois et est utilisée par 7.000 à 10.000 personnes chaque jour. Son slogan : “Déjà eu simplement envie d’un câlin ?

Le site Cuddle Comfort offre un service équivalent. Les membres peuvent y poster leur photo et leur profil pour trouver des personnes intéressées par des câlins non sexuels. Ce site gratuit compte actuellement 18.000 membres, selon Mark Sanger, son fondateur.

L’une des dernières discussions en date sur le site portait sur les meilleurs genres de films devant lesquels se faire câliner. Le câlin sur commande ne plonge pourtant pas tout le monde dans l’euphorie.

Quand Jacqueline Samuel, 31 ans, a lancé The Snuggery dans une maison d’hôtes familiale des environs de Rochester, près de New York, les voisins se sont plaints par crainte de voir affluer des clients indésirables. Elle a donc transféré son activité il y deux ans dans une zone commerciale de l’agglomération.

Nous avons contacté les forces de police d’une demi-douzaine de villes comptant des câlineurs professionnels : aucune plainte n’a été pour l’heure recensée et les sociétés concernées semblent respecter la loi, nous a-t-on déclaré.

Si les masseurs thérapeutes suivent en général une formation spécifique et doivent obtenir une autorisation pour exercer, ce n’est pas le cas des câlineurs. La réglementation de l’activité est du ressort des autorités locales. Certaines en limitent l’exercice à certains quartiers et imposent une autorisation pour exercer à domicile.

Le caractère flou du câlin sur commande – en partie massage thérapeutique, en partie psychologie clinique – peut provoquer des déceptions et des demandes peu orthodoxes chez les clients, expliquent les professionnels.

Un client a par exemple demandé à une câlineuse de porter une combinaison moulante, ce qu’elle a refusé. Un autre a exigé de garder son costume d’homme d’affaires pendant le câlin. Depuis que l’activité a commencé à se professionnaliser, il y a au moins cinq ans, des dizaines de spécialistes ont posé leur plaque ou passé un contrat avec des sociétés en ligne.

Les clients doivent parfois signer un contrat qui précise les limites de l’exercice, notamment les zones du corps humain à ne pas approcher. Ainsi à Cuddle Up To Me, à Portland, il est autorisé de toucher la jambe, mais pas plus haut que le genou.

Les séances se déroulent dans un local ayant pignon sur rue, sous l’œil de camé- ras de surveillance. Les contrats signés par les clients précisent que ceux-ci doivent se doucher et se laver les dents avant une séance – un autre moyen de garder l’activité propre.

Les recherches montrent que le toucher apporte des bénéfices tangibles sur le plan physique comme émotionnel. Il peut augmenter le taux d’ocytocine, une hormone produite par l’hypothalamus qui favorise le bien-être et la tendresse, et fait baisser le rythme cardiaque, ce qui réduit le stress.

Kelly Peterson, 49 ans, ancienne professeure de lycée, a ouvert Cuddle Connection en février à Roseville, en Californie. Elle a investi des milliers de dollars dans l’élaboration de documents juridiques destinés à lui garantir une couverture en responsabilité.

Les séances ont lieu sur une chaise longue ou un pouf géant en forme de poire. Le lit donne selon elle des idées fausses aux clients. Ses employés portent une “tenue de câlinage professionnel”, à savoir un sur- vêtement en velours. Des femmes lui envoient leur mari ou leur copain pour que ceux-ci apprennent comment câliner correctement. Un jour, l’une des employées et son client se sont sentis tellement bien qu’ils se sont endormis et n’ont pas entendu le réveil qui sonnait la fin de la séance.

Samantha Hess a ouvert Cuddle Up To Me en novembre et les affaires marchent tellement bien qu’elle a recruté trois personnes. Le salon propose cinquante positions et facture 1 dollar la minute. Les séances peuvent durer jusqu’à cinq heures. Mme Hess a déjà reçu des milliers de courriels de clients intéressés. Et quelques demandes en mariage.

Courrier International

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