Par Fouad Gandoul, politologue, secrétaire de l’association Empowering Belgian Muslims, qui promeut l’émancipation des musulmans de Belgique.
Une semaine après les attentats de Paris, les services de police belges démantelaient une cellule terroriste. La société belge se penche, elle aussi, sur les failles qui ont conduit à la radicalisation d’enfants du pays.
La marche historique à Paris ne fera pas disparaître par magie le problème de l’identité et du manque d’inclusion. Certes, les millions de Français qui sont descendus dans la rue ont pu savourer un sentiment d’unité réconfortant, mais un sentiment temporaire car, dès le lendemain, ils étaient confrontés à la réalité. Le fossé social est toujours aussi profond.
Tout cela doit aboutir à un sentiment identitaire élargi. Un nouveau “nous”. Un lieu où, en tant que citoyen, on est accepté indépendamment de sa religion ou de ses convictions politiques. Car une société peut seulement lutter contre la barbarie, jamais la supprimer. Par conséquent, plus une société est avancée, plus il est nécessaire que ses dirigeants prennent conscience qu’elle est faillible et vulnérable. Plus que jamais, nous devons apprendre à faire de notre multitude une unité.
[…] De la même façon qu’en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, le sentiment grandit que les musulmans sont des corps étrangers. Des entités dont l’éthique et les valeurs morales sont en contradiction avec celles d’une Europe éclairée et laïque, et qui représentent par conséquent un danger sans cesse grandissant pour la sécurité. Rien n’est moins vrai, mais essayez donc de l’expliquer à monsieur Tout-le-monde, alors que, en toile de fond, nous parvient un flux constant d’images effrayantes des zones de conflits au Moyen-Orient et en Afrique.
Il est souvent difficile et frustrant de devoir sans cesse lutter contre les clichés quand on a aussi affaire, chez nous, à des zélotes sur lesquels sont volontairement braquées toutes les caméras. La vie du musulman lambda est pourtant à peine différente de celle des autres citoyens moyens. Les aspirations sont les mêmes. Mais la masse grise n’est pas “sexy”. On fait donc le choix de surexposer dans les médias une minorité extrémiste au détriment d’un tissu social déjà fragilisé. Il faut, de toute urgence, que la représentation des musulmans soit rajeunie et modernisée.
Donnez- nous des imams locaux, qui parlent couramment le néerlandais et qui connaissent parfaitement l’univers des jeunes dans notre contexte social. Si l’on veut inverser la tendance, il faut joindre les actes aux propos politiques. On aura pour cela besoin de trois ministères (Enseignement, Emploi et Affaires sociales), pourtant soumis à d’impressionnantes coupes budgétaires.
Le moment est venu d’introduire une matière obligatoire qui traite de la citoyenneté, pour l’ensemble des élèves du primaire et du secondaire, et d’accorder une attention particulière au développement d’un esprit critique : les jeunes doivent apprendre que les points de vue peuvent différer et comment se comporter en cas de divergences.
Un deuxième domaine d’action est l’accès au marché de l’emploi pour les demandeurs issus de l’immigration. Le problème est connu depuis longtemps, mais, jusqu’à présent, peu de mesures ont été prises pour y remédier. Ce type de racisme contribue à exacerber la rancœur qui sert de déclencheur pour bon nombre de jeunes radicalisés. Ainsi, en adoptant une politique sociale réfléchie, il est possible d’enrayer ce processus de radicalisation.
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