La sphère jihadiste en France représente environ trois mille personnes, a révélé mercredi le Premier ministre Manuel Valls, mais pour les services spécialisés il est impossible, voire inutile, de tous les surveiller de la même façon.
Entre les anciens membres de filières irakiennes ou afghanes, condamnés puis libérés de prison, les apprentis-jihadistes rêvant de rejoindre en Syrie les rangs du groupe État islamique, ceux qui y sont allés et sont revenus et les cyber-jihadistes qui se contentent depuis leurs chambres de relayer les appels à la guerre sainte, ce groupe présente des profils différents qu’il faut évaluer en permanence, au risque de se tromper.
“La tâche est immense, et il ne faut pas croire que nous pourrons toujours parer tous les coups” confie, sous couvert de l’anonymat, une source antiterroriste.
“Et comme l’ont montré les frères Kouachi, le fait d’être connus des services n’empêche pas des auteurs potentiels d’attaques de passer au travers des mailles des filets. L’homme qui a égorgé un militaire britannique à Londres ou l’auteur de l’attaque de Sydney étaient également connus des services de leur pays, ce qui ne les a pas empêchés de passer à l’action.”
Malgré l’augmentation importante des moyens annoncée mercredi (plus 2.680 postes créés sur trois ans), les services antiterroristes vont continuer à faire ce qu’ils ont toujours fait: établir une liste de suspects, classés par ordre de dangerosité supposée décroissante, et la gérer en permanence.
Trois mille suspects, “c’est le chiffre de ceux qui sont dans nos radars“, ajoute une source policière, précisant que seules certaines cibles, qui présentent des profils de jihadistes déterminés, sont surveillées “comme le lait sur le feu“.
“En fait, c’est comme un tamis à plusieurs tailles”, explique à l’AFP Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). (…)
“Ce n’est pas trois mille personnes surveillées en permanence”, dit-il. “Il y en a peut-être 1.500 au niveau 1, environ 500/700 au niveau 2, 250 au niveau 3 et peut-être une quarantaine vraiment surveillées en permanence.”
“En plus les écoutes téléphoniques ont leurs limites“, précise Eric Denécé. “Il suffit d’aller voir le gamin du coin de la rue, qui fait le guet pour le trafic de drogue, et lui dire : “Tiens, voilà 100 euros, va acheter un téléphone et une ligne et tu me le rapportes”. Ils l’utilisent pendant trois mois puis ils recommencent. Sans une surveillance de terrain, pas facile à tracer”. (…)