Influencé par les théories de Foucault et Baudrillard, Hamdi Nabli, politologue, livre son regard sur la “radicalisation”, le traitement médiatique et ses conséquences.
Le 11 septembre avait une visée esthétique et symbolique et relevait quasiment d’une stratégie médiatique de la part des terroristes. Ici c’est une série de meurtres, pas un attentat.
Est-il possible de dégager les causes de radicalisation ?
Les causes sont plus ou moins connues. Les policiers et les criminologues en ont conscience, ce sont les inégalités économiques et sociales. C’est aussi la prison au cœur de la société française, autour de laquelle il y a une vraie hypocrisie. Il est dit que c’est un problème, alors que c’est un système fonctionnel. Comme le souligne Michel Foucault dans Surveiller et punir, on utilise la prison pour créer cette figure du délinquant qu’on va pouvoir ensuite attaquer dès qu’il va se passer quelque chose. La prison est l’institution phare de la société occidentale moderne. C’est elle qui fonde une société qui exclut, régie par le principe selon lequel celui qui enfreint la loi doit être hors la société. Ce n’est pas un problème de cas sociaux, c’est un problème de civilisation. L’exclusion est un problème central qui se voit aussi au niveau des territoires. Il existe une forme de ségrégation au cœur même de l’inclusion sociale.
Vous avez travaillé sur une autre organisation terroriste. Des parallèles dans les processus de radicalisation existent-ils ?
La fraternité aryenne n’est pas une organisation terroriste. C’est un gang d’Américains blancs, qui peut être compris comme une conséquence de l’hyper racialisation de la société américaine et plus encore des prisons américaines. Elle a dû agir d’une façon extrêmement violente selon un principe darwinien de survie et a ainsi acquis « l’esprit du terrorisme », c’est-à-dire être prêt à mourir pour une cause réelle ou imaginée.
On peut quand même faire un parallèle. En France, d’un point de vue purement statistique, beaucoup de prisonniers sont d’origine nord-africaine. Il se trouve en plus que beaucoup seraient de confession musulmane, et parmi ces derniers, certains voient dans la radicalisation un moyen pour donner un sens à leur enfermement. […]
Beaucoup d’analystes développent l’idée de mise en place d’une vraie politique pédagogique de promotion des valeurs républicaines. Qu’en pensez-vous ?
Les valeurs de la république, c’est une notion complètement abstraite. Ce ne sont pas les valeurs de la République qu’il s’agit de promouvoir, en-soi cela ne veut strictement rien dire. Ce sont les valeurs de la IIIe République. C’est une république extrêmement spécifique, anticléricale, et cela il faut le mettre en perspective, car les hommes politiques font tout pour dépolitiser leur discours lorsqu’ils en appellent à la République. C’est une réponse de type divine, qu’on ne peut pas remettre en cause, et on va expliquer aux sauvageons les valeurs républicaines. Cela rappelle la gauche divine de Baudrillard. […]