Loin des bonus faramineux des banquiers, le groupe coopératif britannique John Lewis récompense équitablement tous ses salariés, de la caissière au PDG. Un modèle qui fait aussi les affaires de l’entreprise.
Le groupe qui détient les grands magasins John Lewis et les supermarchés haut de gamme Waitrose, prisés de la «middle-class» britannique et des très nombreux Français installés à Londres, a annoncé la semaine dernière le versement de plus de 295 millions de francs suisses, sous forme de bonus à ses 91000 employés-sociétaires.
Mais la rétribution ne dépend pas ici d’objectifs personnels. Du salarié en caisse au PDG en passant par les chefs de rayons, chaque employé va recevoir l’équivalent de 15% de son salaire, soit près de huit semaines de paie et environ 3280 francs en moyenne.
Un montant en légère baisse par rapport à l’année précédente où l’entreprise avait versé 17% de leur salaire aux employés, en raison de la hausse des coûts liés au fonds de pension de l’entreprise, très généreux mais profondément dans le rouge.
John Lewis et son modèle coopératif sont régulièrement cités en exemple par les responsables politiques dans un pays où les bonus astronomiques versés dans la City font au contraire scandale.
«Nous avons besoin de plus de personnes ayant une réelle part de leur entreprise, de plus d’économie John Lewis», avait ainsi lancé en 2012 le numéro deux du gouvernement Cameron, le libéral-démocrate Nick Clegg.
Un modèle qui fait les affaires de l’entreprise
Les ventes du groupe, non coté en Bourse, ont en effet progressé de 6,6% à 10,2 milliards de livres sur l’année achevée le 25 janvier. Le bénéfice imposable a en revanche reculé de 4,1% à 329,1 millions de livres en raison d’une opération de remboursement de salaires aux employés après une erreur de calcul.
«Waitrose et John Lewis ont augmenté leur part de marché pour la cinquième année consécutive» et le fait que nous soyons «la propriété de nos (employés) associés a joué un rôle clé dans ces résultats», a commenté le président du groupe, Charlie Mayfield.
Un constat partagé par les analystes. «La structure du groupe lui a permis d’investir dans la performance de long-terme (…) sans la pression d’actionnaires plus focalisés sur les bénéfices à court-terme», juge Raphaël Moreau d’Euromonitor International.
«Cela a été une des raisons de la performance du groupe avec une croissance régulière des ventes dans une économie qui a stagné depuis 2009. Alors que les autres distributeurs ont dû se concentrer sur la réduction des coûts pour maintenir leurs bénéfices, John Lewis a continué à investir dans l’amélioration du service aux clients afin d’augmenter leur fidélité», a poursuivi l’analyste.
Bryan Roberts de Kantar Retail abonde : le modèle coopératif est «un réel avantage compétitif pour eux» en termes de «conservation du personnel, de service aux clients et de moral des employés».
Par le passé, le groupe fondé en 1864 – date de l’ouverture de son premier magasin sur Oxford Street à Londres qui reste depuis lors son navire amiral – a été accusé de «manque de dynamisme et d’esprit d’entreprise» en raison de son modèle mais «je pense que ce point de vue a été balayé» depuis, vu la performance du groupe, ajoute l’analyste.