Dix ans après les émeutes qui l’avaient embrasée, la commune de Seine-Saint-Denis a été en partie rénovée mais souffre toujours d’un manque cruel d’activité.
C’est un vestige des émeutes : un bâtiment sans porte, dont le temps a épluché les façades qui tombent en lambeaux. Les boîtes aux lettres sont éventrées ou restées grandes ouvertes. Sur les murs du hall, des centaines de mots, dessins et blases renvoient à des adolescences évaporées. Dans ce dernier pan d’immeuble de la Forestière à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, quelques rares habitants achèvent de mettre leur vie en cartons.
Cette semaine, Ahmed quittera à son tour les 100 mètres carrés où il a élevé ses enfants, pour un logement neuf à deux pas de là. Il s’en réjouirait s’il n’avait le sentiment de voir ainsi partir en fumée l’investissement de toutes ses années de travail….
Clichy-sous-Bois a changé, c’est vrai. Dans le Haut Clichy, les vastes tours de béton ont été rasées et remplacées par de petites résidences proprettes et modernes, aux façades boisées ou colorées, ceinturées d’enclos verdoyants. Les résidents ont gagné des boîtes aux lettres, des parkings sécurisés et des entrées à Digicode. Le maire PS, Olivier Klein, annonce :
En tout, 1.000 nouveaux logements ont été construits et 700 démolis depuis 2004. Avec ces nouveaux habitats, on espère enfin retenir les familles qui, jusque-là, partaient de Clichy dès qu’elles le pouvaient.”
Les 600 millions d’euros du programme de rénovation urbaine (PRU) enclenché par la loi Borloo de 2003 ensevelissent sous les apparences la misère et les larmes engendrées par la mort injuste de Zyed et Bouna, 17 et 15 ans, électrocutés dans un transformateur EDF après avoir été coursés par la police en 2005.
Lors de ses vœux à la presse, le Premier ministre a choisi de braquer les projecteurs sur les quartiers populaires. En revenant sur “ces maux qui rongent notre pays”, Manuel Valls a soutenu qu’il existe en France “un apartheid territorial, social, ethnique”, avec des zones de “relégation périurbaine”, des “ghettos”. Alors Clichy-sous-Bois, laboratoire de toutes les politiques de la ville depuis quinze ans, se sent à nouveau montré du doigt, observé à la loupe….
Loin de la République, ils en sont pourtant l’avenir. Ici, les moins de 25 ans représentent plus de la moitié de la population. Et le taux de chômage, deux fois plus important que la moyenne nationale, s’élève à 23,5%, et frôle même 40% dans certains quartiers.
Parmi ses 30.000 habitants, Clichy-sous-Bois compte 33% d’étrangers, et 90 pays d’origine y sont représentés, de la Turquie au Kurdistan en passant par le Mali, l’Algérie et le Cambodge. Une ville-monde “devenue plus belle avec ses travaux, certes, mais où l’activité manque”, assure Osman Sezer, conseiller municipal UDI et ingénieur aérospatial.
Le nouvel obs