En moins d’un siècle, la moitié des grands arbres californiens – dont les célèbres séquoias – a disparu. En cause, l’exploitation forestière mais surtout la pénurie d’eau.
“BIG TREES”. Avant que les colons blancs n’arrivent en Californie, il y en avait partout, sur le littoral Pacifique et dans la Sierra Nevada, dans les collines au sud de la baie de San Francisco, au moins jusqu’à Big Sur. Les séquoias sont ces arbres géants à l’écorce rouge, dont certains culminent à plus de cent dix mètres de hauteur pour plusieurs mètres de diamètre. Aujourd’hui, seuls 4% des forêts d’origine subsistent.
L’exploitation forestière a en effet provoqué des ravages dès les premiers temps de la colonisation, mais pas seulement. Une étude menée par des chercheurs californiens des universités de Berkeley et Davis, publiée mi-décembre 2014 dans les Pnas, établit que le réchauffement du climat a joué un grand rôle au cours du siècle passé dans le déclin de ce qu’on appelle les “grands arbres” (big trees), c’est-à-dire des arbres de plus de 61 cm de diamètre.
Des arbres petits et gros
Cela recouvre les séquoias mais aussi les pins ponderosa, les cèdres, etc. Ce travail exploite des données historiques de l’US Forest Servicecomprises entre 1929 et 2010 pour voir comment a évolué la structure des forêts californiennes, qu’elles se situent au nord de l’État ou au sud, dans la Sierra Nevada ou autour de Los Angeles (les chaînes des Transverse).
Premier constat : partout, la densité en grands arbres a décliné.
Et c’est dans les Transverse que le phénomène est le plus prononcé puisque leur population est inférieure de 30% de ce qu’elle était dans les années 1920-1930. Dans la Sierra Nevada, où se trouve la variété des Giant sequoias (Sequoiadendron giganteum) pouvant atteindre huit à dix mètres de large, environ 50% des grands arbres ont disparu sur la période étudiée : on est passé de 64,3 à 28,03 spécimens par hectare. Idem dans les Coast Ranges (les chaînes de montagne côtières au sud de San Francisco), avec 7,5 grands arbres par hectare contre 16,6 il y a plus de quatre-vingts ans, et en Californie du Nord, région des Sequoias sempervirens ou Coast redwood (les plus hauts arbres du monde), où la densité s’est effondrée de 30,6 à 16,7.
EAU. En parallèle, les chercheurs observent, également dans toutes les régions, une augmentation de la densité des “petits” arbres, des pins communs ou des chênes, en remplacement des “gros”. La raison principale à cette évolution ? Le manque d’eau dû à des bouleversements climatiques. Ce qui ne veut pas forcément dire moins de précipitations, mais que la hausse globale des températures provoque plus d’évaporation, une fonte des neiges prématurée, privant les forêts de réserves (phénomène accentué en montagne où les sols pentus retiennent moins l’eau).
Cette pénurie, qui ne tient pas en compte l’actuelle sécheresse qui sévit en Californie puisque l’étude s’arrête avant, affecte bien plus les grands arbres, plus demandeurs que les petits spécimens, et a plus d’impact que l’exploitation forestière et le défrichage. En effet, le déclin des grands arbres s’observe même dans les parcs naturels, zones protégées des activités humaines… mais pas des changements climatiques.
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont utilisé une modélisation du déficit d’eau (ce qu’ils appellent le CWD : climatic water deficit), calculé à partir des données saisonnières de précipitation, de températures, des caractéristiques topographiques, et rapporté aux besoins des forêts. Or, la perte en grands arbres est plus prononcée dans les régions où ce déficit est le plus marqué. Ainsi, en Californie du nord, où l’industrie du bois a rasé des forêts entières au début du 20e siècle, le manque d’eau n’a pas beaucoup changé. Résultat : la densité des grands arbres est moins affectée. C’est l’inverse dans la Sierra Nevada et dans le sud de l’Etat.