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Le chercheur au CNRS Pierre-Jean Luizard publie un essai sur la genèse de l’État islamique. Pierre Jova l’a lu pour FigaroVox.

[…] Dans une seconde partie, Pierre-Jean Luizard cherche à décrire le fonctionnement de ce qu’il nomme le «Premier État salafiste à se revendiquer comme tel», ce qui fera sans doute pousser des cris d’orfraie au blogueur Al-Kanz, inquisiteur tatillon du vocabulaire islamique.
Le salafisme prône le retour à l’islam des premiers siècles. Piétiste, il se distingue par son insistance sur des règles de vie fondamentalistes.

D’un point de vue géopolitique, le chercheur est formel: le salafisme précède le djihadisme.

Ainsi, parmi les très nombreux anciens officiers de l’armée de Saddam Hussein, qui encadrent les unités militaires de l’État islamique en Irak, beaucoup se sont convertis au salafisme dans les années 1990. Un mouvement qui avait d’ailleurs été encouragé par le défunt dictateur irakien, pour pallier à la démoralisation générale. De même, en Syrie et au Liban, les avant-postes de l’État islamique naissent dans des foyers salafistes, passés du piétisme à la lutte armée.
À l’intérieur de ses frontières, l’État islamique travaille donc à une stricte application de leur vision de la Charia. Elle est supervisée par des juges religieux, les qadis (en Irak, souvent des ex-fonctionnaires baasistes, certains convertis au salafisme), et d’une police des mœurs appelée muthasibîn, en souvenir de celle instituée par Omar, un des premiers califes. Cette application fondamentaliste de la Charia justifie les châtiments corporels, et le traitement des minorités: offre de se convertir, de payer l’impôt des non-musulmans ou de s’exiler pour les chrétiens (qui firent tous ce troisième choix à Mossoul), persécution et esclavage pour les Yézidis, hérétiques jugés irrécupérables.
À l’extérieur, l’État islamique soigne sa communication professionnelle, lourde de symboles. Un exemple parmi tant d’autres: le titre de son magasine anglophone, Dabiq, est le nom d’un village situé au nord d’Alep, en Syrie, qui, selon certaines hadiths, sera le lieu de l’ultime bataille du Jugement dernier.
Par ses appels à l’histoire, l’État islamique poursuit un triple objectif: «revenir aux principes de l’islam des Compagnons du Prophète, terroriser les «mécréants» et provoquer les Occidentaux». En sous-estimant la portée de ces coups de force symboliques que constituent les références à l’islam primitif, et l’effacement de la frontière entre la Syrie et l’Irak, imposée par les colonisateurs, l’Occident risque de perdre une guerre dans laquelle l’État islamique est parvenu à l’attirer. Qu’il le veuille ou non.
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