Philippe Bilger :
J’ai été étonné quand j’ai lu que Christiane Taubira était l’invitée politique du 21 février parce qu’en général, elle s’est fait une spécialité non seulement de la rareté médiatique – en hommage personnel à son caractère précieux – mais de sa volonté, quand elle offre sa présence, d’échapper à toute véritable contradiction.
En l’occurrence je lui reconnais un grand mérite: elle avait compris ce qui l’attendrait.
Elle est venue, elle a parlé, elle a vaincu. Evidemment sans gloire mais avec la tranquille arrogance de qui domine par l’oralité et subjugue par l’incapacité où se trouve autrui de lui opposer la moindre réplique argumentée et compétente.
Le plateau était composé de telle manière, avec ce mélange vulgaire de promotion narcissique et corporatiste – la série Chefs étant vantée, la télévision se célébrant elle-même – et d’idéologie dominante et rigolarde, que la garde des Sceaux était assurée d’avoir des alliés et des admirateurs quasiment partout.
Philippe Torreton, dont la pureté revendiquée n’est pas contradictoire avec l’appétence médiatique, François Rollin dont on aurait pu espérer mieux, Aymeric Caron qui est demeuré dans sa ligne plus que favorable à Christiane Taubira et Léa Salamé qui en matière de justice ne pouvait faire qu’avec ce dont elle disposait. Plus Laurent Ruquier davantage préoccupé par ses bons mots réels ou prétendus que par l’instauration d’une contradiction authentique.
Univers exemplaire donc, si j’ose dire, incestueux par la connivence et la complaisance et gangrené par l’ignorance.
(…) Le Figaro
On n’est pas couché – France 2 – 21/02/15