Laurent Joffrin analyse le dernier livre de François de Closets “La France à quitte ou double” dans un éditorial intitulé “Comment arrêter Marine Le Pen”.
François de Closets n’aime qu’une chose : mettre les pieds dans le plat. […] Cette fois, il s’attaque à la question qui dérange et autour de laquelle tournent désormais la vie politique et les pronostics électoraux, l’irrésistible montée du Front national, qui fait de Marine Le Pen une candidate possible du second tour de 2017. Avec en prime, ce doute terrible : et si, à la suite d’on ne sait quelle catastrophe, elle était finalement élue ?
Républicain incontestable, plutôt libéral, de Closets n’a évidement aucune sympathie pour le FN.
Mais, il n’en a guère plus pour ceux qui le combattent, qu’il voit comme une troupe disparate de naïfs bien-pensants, d’idéologues gauchistes, d’Européens idolâtres et d’antiracistes plus ou moins cyniques. […] Il y a du vrai dans le réquisitoire. Un certain angélisme a fait beaucoup de mal au discours de gauche, il y a quelques années. De même, une conception purement abstraite, contractualiste de l’identité nationale (était français celui qui respectait la Constitution et les lois, sans autre critère), a laissé entendre que la France n’était, somme toute, pas grand-chose aux yeux des élites. Le refus d’aborder de front la question culturelle ou nationale a laissé les tenants d’une identité figée, passéiste et nostalgique seuls en piste dans ce débat, pour le plus grand profit du FN. […]
Quant à l’identité française, dont on doit ôter le monopole au FN, il faut s’entendre sur sa définition.
S’il s’agit de la terre et des morts, de l’Europe chrétienne, d’une tradition culturelle fermée et fixe, on ne voit pas très bien comment on pourrait s’en saisir, sauf à rejoindre, d’une manière ou d’une autre, les conceptions du nationalisme français le plus ancien et le plus dangereux.
Si, en revanche, il s’agit des valeurs républicaines, de l’histoire des révoltes françaises pour plus de liberté et d’égalité, de l’humanisme des artistes et des écrivains français, de la laïcité, qui fait toute sa place aux religions, des traditions de civisme, d’ouverture et de tolérance qui sont la face positive de l’héritage français, alors vive l’identité nationale !
Libération