Pour Jean Garrigues professeur à l’université d’orléans et à Sciences-Po, Manuel Valls a eu raison de dramatiser la montée du FN pour “mobiliser l’électorat de gauche”.
Du général Boulanger à Marine Le Pen, la filiation protestataire et populiste est évidente, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Les boucs émissaires ont changé, l’antisémitisme a fait place à la peur du musulman, mais ce sont fondamentalement les mêmes ressorts de l’insécurité sociale et culturelle, le même sentiment de trahison et d’impuissance des élites, la même angoisse de l’étranger et la même volonté du repli sur soi qui constituent les ressorts du vote populiste. […]
Relativisons toutefois ! Ce que nous enseigne l’histoire récurrente de la droite populiste en France, depuis plus d’un siècle, c’est que sa capacité d’expansion est à la mesure des carences et des échecs des partis de gouvernement. Le FN n’est que le miroir de leurs incompétences, comme Boulanger était le rassembleur des mécontents.
Manuel Valls a-t-il eu tort de dramatiser les enjeux et de brandir la menace d’une victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 2017 ? La réponse n’est pas si simple. […] S’il s’agit de mobiliser l’électorat de gauche, et c’est bien le propos de Valls, la stratégie de la dramatisation n’est sans doute pas inutile. Car le véritable enjeu des élections à venir, ce n’est pas le vote pour le Front national (FN) : c’est l’abstention ! […]
Si l’hypothèse d’une victoire de Marine Le Pen en 2017 est plausible, elle apparaît néanmoins comme totalement surréaliste. Le marinisme, disons-le tout net, ce n’est qu’une énième supercherie de l’histoire protestataire.
Et c’est là que le bât blesse dans la stratégie de Valls, comme plus globalement dans le discours de la classe politico-médiatique. Plutôt que de dramatiser dans une perspective électorale à court terme, n’est-il pas temps d’argumenter, de démontrer ce que d’ailleurs une majorité de Français subodore, à savoir que l’extrême droite populiste, par sa nature même, serait bien incapable de gouverner notre pays. Plutôt que la dramatisation, si l’on pensait à la démonstration, à la déconstruction, à la démolition. Il est temps !