L’obligation de faire vacciner son enfant, inscrite dans la loi, est-elle contraire à la Constitution? Le Conseil constitutionnel se penche sur cette question cruciale ce 20 mars 2015.
L’obligation de faire vacciner son enfant, inscrite dans la loi, est-elle contraire à la Constitution ? Le Conseil constitutionnel se penchera mardi 20 mars 2015 sur cette question évidemment cruciale pour la santé publique, six mois après la proposition du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) d’ouvrir le débat sur cette particularité française.
A l’origine de cette saisine, un couple de parents de l’Yonne convoqués le 9 octobre 2014 devant le tribunal correctionnel d’Auxerre pour n’avoir pas fait vacciner leur fille de trois ans contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Le refus ou l’entrave à la vaccination sont passibles de six mois d’emprisonnement et 3.750 euros, selon le code de la santé publique.
Mais les parents affirment se battre pour leur “liberté thérapeutique” au nom du droit à la santé, inscrit au préambule de la Constitution. Lors de l’audience, leur avocat a ainsi demandé au Conseil constitutionnel de trancher sur la “liberté vaccinale“.
Cette demande, appelée question prioritaire de constitutionnalité (QPC), avait été transmise mardi 13 janvier 2015 au Conseil constitutionnel. Ce procès réveille le débat sur la pertinence de la vaccination et des adjuvants incriminés.
Le procès des adjuvants
Les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite sont les seuls en France qui restent obligatoires et dont le non respect peut entraîner des poursuites. Les parents mis en cause se défendent de quelque idéologie anti-vaccin, un mouvement qui gagne du terrain en France depuis 20 ans.
Pourtant ils utilisent peu ou prou le même argument : l’aluminium utilisé comme adjuvant – un moyen de renforcer l’action du vaccin – serait dangereux et source de troubles musculaires et cognitifs.
“Ils ne font pas de l’anti-vaccin primaire, ils n’appartiennent à aucune structure, aucune secte. Les vaccins d’accord, mais sans adjuvants”, expliquait en octobre 2014 Me Emmanuel Ludot, l’avocat de la famille. Le débat ne date certes pas d’hier mais pose une question légitime.
Des instances scientifiques rassurantes
D’ailleurs, le Haut conseil de santé publique (HCSP), instance chargée d’apporter une aide à la décision au ministre de la Santé, en particulier sur la question des vaccins, se penche régulièrement sur cette question et actualise ainsi ces recommandations.
La dernière date du mois d’août 2013 et réaffirmait alors la sécurité de ces adjuvants controversés : “Le HCSP estime que les données scientifiques disponibles à ce jour ne permettent pas de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l’aluminium, au regard de leur balance bénéfices/risques.”
Ce à quoi répondait en octobre 2014 la mère incriminée : “Il y a des études sérieuses qui sont menées aujourd’hui et qui prouvent que les vaccins peuvent rendre malades nos enfants plus que les protéger”, estime Samia Larère. “Il y a des adjuvants (dans ces vaccins) comme le mercure et l’aluminium qui sont dangereux.”
Le problème, c’est que la mission du HCSP est justement d’analyser ces études et d’en faire le tri afin de rendre des avis qui soient les plus objectifs possible… Et fondés sur une méthodologie scientifique.
Comment fonctionne un vaccin ?
La vaccination consiste à introduire une forme inactive du microbe dans l’organisme. En réaction, le corps produit des défenses immunitaires, les anticorps. Ainsi, lorsque le vrai microbe – actif – rentre dans le corps, il est reconnu et les anticorps préalablement développés par le vaccin l’éliminent.
La maladie n’a pas le temps de se développer en raison de la réponse immédiate de l’organisme préparée par le vaccin (voir l’infographie de l’Inpes). Les adjuvants sont utilisés pour renforcer ce mécanisme.
Le risque zéro n’existe pas
Le Pr Daniel Floret, président du Comité technique des vaccinations de l’HCSP, admet certes que “le risque zéro n’existe pas en médecine“. Mais gageons que ce risque zéro n’existe pas plus en dehors des recommandations émises par une instance scientifique…
L’important reste la mesure de la balance bénéfices/risques. Laquelle reste favorable à la vaccination. Car s’il y a bien eu des cas de personnes qui, après vaccination, ont ressenti les douleurs musculaires persistantes incriminées, cela ne permet pas d’en tirer une relation de cause à effet.
Les travaux du Pr Romain Gherardi, directeur du centre expert en maladies neuromusculaires à l’hôpital Henri-Mondor (Créteil) qui a pointé le premier les risques de l’utilisation d’adjuvants à l’aluminium en 1998 dans la revue The Lancet ne suffisent pas établir ce lien de causalité.
“On connaît le risque de réaction locale au niveau de l’injection mais l’hypothèse selon laquelle cette anomalie s’étendrait à tous les muscles n’a jamais été scientifiquement prouvée”, expliquait en août 2013 au Figaro le Pr Jean Beytout, chef du service de maladies infectieuses au CHU de Clermont-Ferrand et membre du Comité technique des vaccinations.
Les vaccins obligatoires, héritage sanitaire du siècle dernier…
Reste la question du caractère obligatoire réservé aux vaccins contre le tétanos, la poliomyélite et la diphtérie, qui vaut aux parents d’être poursuivi pour maltraitance. Un statut particulier dont n’a bénéficié aucun autre vaccin depuis 1964… Depuis cette date, les vaccins sont au mieux “recommandés”.
Une situation qui peut semer la confusion dans les esprits selon le Pr Daniel Floret : “Dès lors que les autres vaccinations ne sont que recommandées, on pense qu’elles sont moins importantes, moins utiles ou moins efficaces alors que certaines sont très importantes : contre la rougeole bien sûr, mais aussi la coqueluche, l’hépatite B, le HPV… Recommandé ne doit pas être vécu comme facultatif.”
Un paradoxe dont les autorités sanitaires françaises semblent avoir bien conscience puisque la volonté de “redéfinir les notions de vaccination recommandée et obligatoire” est bien inscrite au “programme national d’amélioration de la politique vaccinale 2012-2017” de la Direction générale de la santé. À ce jour pourtant, rien n’a changé.