Pour Jérôme Fourquet, directeur du département opinion publique à l’Ifop, le tripartisme PS-UMP-FN ne peut être que transitoire. L’élimination toujours plus fréquente des candidats PS ou UMP aux premiers tours des scrutins majoritaires pourrait précipiter la recomposition du paysage politique. De Valls à Juppé, plusieurs responsables de partis ne disent pas autre chose.
Souvenez-vous de cette définition de Gramsci : «Il y a crise quand l’ancien monde ne veut pas mourir et que le nouveau monde ne veut pas naître.»
Un FN au plus haut, des partis républicains empêtrés dans leurs crises. Le paysage politique n’est-il pas mûr pour une recomposition ?
Les prémices de cette recomposition sont repérables depuis la victoire du FN aux européennes de 2014. Aux départementales, il y aura, le 22 mars, des centaines de 21 avril. Le PS voit se maintenir sur sa gauche, une autre gauche – écologistes et Front de gauche – qui pèse autour de 10% des intentions de vote. La grande nouveauté, c’est que cette gauche est radicalement hostile au gouvernement. […]
Pourquoi ce tripartisme – gauche, droite, FN – ne pourrait-il pas s’installer durablement ?
Parce que, d’une part, notre système politique est conçu pour une organisation bipolaire : le PS et ses alliés d’un côté, le parti de droite et les centristes de l’autre. Un FN structurellement à un niveau élevé signifie l’éjection mécanique et systématique du PS ou de l’UMP du second tour, ce à quoi les leaders, les cadres, puis les électeurs de ces deux partis ne pourront pas éternellement se résoudre. D’autre part, les contradictions et les clivages sur l’Europe et les réformes deviennent trop forts au sein des deux blocs. Les plus lucides ont bien compris qu’on ne peut plus fonctionner avec des présidents de la République élus de justesse au second tour après avoir recueilli moins de 30% au premier. Ce faible niveau ne donne pas la légitimité suffisante pour encaisser les chocs d’opinion engendrés par la mise en place de réformes douloureuses. Il faut une majorité plus large pour entreprendre les travaux d’Hercule que sont par exemple la réforme du marché du travail ou la redéfinition du périmètre de la sphère publique. L’Europe et les réformes fracturent, à gauche et à droite. Ce ferment de division était à l’œuvre dès 1992 avec le débat sur Maastricht. […]
Comment en sortir ?
La tripartition est un système transitoire. A la suite des chocs très violents qui s’annoncent aux départementales, puis aux régionales, il y aurait une certaine logique à ce qu’à terme les Juppé, Valls, Bayrou se retrouvent, tandis que d’autres iraient vers le FN. Marine Le Pen mise sur l’implosion de l’UMP, dont la frange droitière aurait alors vocation à rejoindre ce qu’elle appelle le «camp des patriotes». Il n’est pas impossible dans certains départements que des présidents de centre droit tendent la main au PS pour disposer d’une majorité pour voter les budgets. Ce sera un signe supplémentaire de la recomposition. Aux régionales, les socialistes peuvent se trouver face à un choix cornélien : se maintenir au risque de donner la région au FN ou se retirer pour faire battre le FN et disparaître totalement du paysage politique local. Autant de nouvelles secousses susceptibles de faire bouger le système.