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C’est la fin d’un âge d’or. Quatorzième producteur mondial de pétrole, la Norvège est, elle aussi, affectée par la chute des cours du brut observée depuis l’été dernier. En 2014, les recettes publiques liées au secteur pétrolier sont ainsi tombées à 297 milliards de couronnes norvégiennes (34,6 milliards d’euros), contre 347 milliards de couronnes (40,5 milliards d’euros) un an plus tôt, d’après les chiffres officiels publiés jeudi 26 février.

Un défi majeur pour ce pays de 5 millions d’habitants qui, grâce à l’exploitation des hydrocarbures de la mer du Nord, est devenu l’un des plus riches au monde en moins de quarante ans. « Nous savons depuis longtemps qu’un jour ou l’autre, les investissements dans le secteur du gaz et du pétrole atteindraient un pic. Ce moment est arrivé, explique Siv Jensen, ministre des finances norvégienne, de passage à Paris. Cette industrie restera une source majeure de revenus et d’investissements pendant des décennies encore. La grande différence est qu’elle ne sera plus le moteur de notre économie au même titre qu’autrefois. »

A première vue, le pays des fjords n’a pas trop de soucis à se faire. Petit frère pauvre de la Suède jusqu’en 1969, date de la découverte des premiers gisements, le pays a depuis vécu un incroyable boom. Le produit intérieur brut par habitant (en parité de pouvoir d’achat), proche de celui des Grecs en 1971, est aujourd’hui 50 % plus élevé que celui des Suédois. En 2014, son PIB a crû de 1,8 %, soit le double de la zone euro, et devrait encore progresser de 1,9 % cette année. Enfin, le taux de chômage norvégien est de 3,7 % seulement.

Reste que la brutale chute des cours de l’or noir, combinée au déclin programmé des réserves, contraint le pays à accélérer la diversification de son économie, car 20 % de son PIB dépend des hydrocarbures. Statoil, le géant pétrolier contrôlé à 70 % par l’Etat, a prévu de réduire ses investissements de 10 % cette année. Les licenciements dans le secteur se multiplient : d’après les différentes estimations, 30 000 à 40 000 emplois pourraient être détruits ces prochains mois.

Le royaume s’est endormi sur ses lauriers

Il faut dire que le boom pétrolier s’est accompagné d’une forte hausse des salaires dans l’industrie pétrolière : malgré la dépréciation de la couronne observée ces derniers mois, ils sont toujours de 50 % plus élevés qu’au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, au point de menacer la compétitivité du secteur. Le pays souffre également d’une productivité déclinante, d’une faible participation au marché du travail et d’un taux de décrochage scolaire relativement élevé. Ce qui fait dire à certains économistes que le royaume s’est endormi sur ses lauriers…

D’autant que ces vingt dernières années, la dette des ménages s’est envolée : celle des couples de 30 ans atteint désormais 300 % de leurs revenus disponibles en moyenne. Beaucoup ont emprunté (le plus souvent à taux variable) pour acheter une résidence principale et secondaire, convaincus que les salaires continueraient d’augmenter. Si pour l’instant, ce niveau d’endettement est jugé soutenable, la situation financière des Norvégiens est donc fragile.

« Améliorer l’efficacité-coût »

Malgré l’inquiétude des experts, le gouvernement d’Erna Solberg, arrivé au pouvoir en octobre 2013 et composé d’une coalition entre le Parti conservateur et le Parti du progrès (FrP, droite populiste), assure avoir pris les choses en main. « Notre stratégie est de favoriser les investissements dans les autres secteurs, notamment grâce à une fiscalité attractive, explique Mme Jensen, également présidente du FrP. Nous augmenterons aussi les investissements dans les infrastructures, la recherche, le système éducatif, tout cela dans le but de favoriser l’émergence de nouvelles activités et emplois. »

En parallèle, le gouvernement a lancé des réformes tous azimuts de l’Etat et des services publics : santé, municipalité, police… « Dans tous les cas, l’objectif est le même : améliorer l’efficacité-coût », souligne MmeJensen.

Cela suffira-t-il à assurer le futur du Royaume ? S’il est trop tôt pour le dire, une chose est sûre : en cas de coup dur, la Norvège pourra toujours compter sur son fonds souverain, créé en 1990 pour canaliser et investir à l’étranger la manne des revenus pétroliers. Il pèse aujourd’hui 860 milliards de dollars (756 milliards d’euros), ce qui en fait le plus grand fonds souverain du monde. « Même si la baisse des cours du pétrole nous affecte sur le court terme et met une forte pression sur les entreprises du secteur, nous ne sommes pas inquiets pour l’avenir », conclut Mme Jensen.

Le Monde

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