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Dans La Faculté de l’inutile, l’écrivain soviétique Youri Dombrowski décrit une société stalinienne où la faculté de droit est reléguée parmi les vieilleries du passé, et son enseignement considéré comme un ensemble d’arguties et de chicanes sans objet, par opposition à la vérité détenue par le Parti. À considérer la nouvelle réforme du collège qui devrait entrer en vigueur en 2016, force est de constater, mutatis mutandis bien sûr, qu’il existe dans notre pays pourtant démocratique un «collège de l’inutile».

La ministre a fermement remanié le contenu du chaudron de l’éducation de masse, parcouru de bulles de contradiction explosives. Elle filtre les ingrédients d’une potion scolaire censée pacifier les mœurs relâchées, gommer la honte du classement Pisa, et amenuiser le taux de chômage des jeunes.
Dans un but de démocratisation, les «contenus plus réalistes» interdiront les classes européennes et bilingues trop élitistes, et les langues anciennes seront intégrées dans les cours de français, autant dire supprimées au profit d’une seconde langue vivante en cinquième. Utilitarisme, volontarisme sont les mots d’ordre de la réforme, leitmotiv épuisant depuis trente ans. La sentence des Shadoks «En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc: plus ça rate, et plus on a de chances que ça marche» est aussi appropriée à l’Education nationale qu’à une usine de boulons gérée par le Gosplan. On serait tenté avec malice de voir dans les 20 % d’autonomie d’emploi du temps laissés aux collèges un avatar de la décentralisation décrétée en URSS par Khrouchtchev.

(…) Méfions-nous enfin de l’inutilité des choses: Alan Turing a inventé l’informatique à Cambridge dans un univers peuplé de sciences et de langues anciennes. John Ronald Tolkien, passionné de philologie comparée, professeur de vieil anglais à Oxford, a engendré un tourbillon marchand de milliards de dollars en laissant imprudemment après lui Le Seigneur des anneaux, œuvre qu’il ne reconnaîtrait d’ailleurs probablement plus en cas de retour sur terre. Et, contrairement à une illusion collective, les mathématiques pures ne «servent» absolument à rien. Du moins pas plus que le latin, discipline de construction logique brillante, excellente pour le cerveau, dont on découvrira un jour qu’elle est à la maladie d’Alzheimer ce que le brocoli est au cancer du colon, qu’elle vaut tous les jeux de logique, toutes les gymnastiques de mémoire vendues sur Amazon.

Le Figaro

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