Anna est marocaine, elle a 27 ans dont 10 passées en France. Petite, on lui a toujours dit que la France lui offrirait un bel avenir. Après deux licences, deux masters et un diplôme de l’ENA, elle a fait face au mur du marché du travail. Elle n’a pas trouvé d’emploi en France. Elle a finit par rentrer au Maroc, amère. Extraits de son témoignage.
Je suis arrivée en France en 2005, juste après avoir obtenu mon bac au Maroc dans un lycée français. La suite logique, quand on sort de ces lycées généralement réservés à une certaine élite, c’est de partir en France faire une grande école. C’est quasiment la voix normale. Mes parents voulaient que je puisse faire de belles études, ils ont toujours dit : “T’inquiète pas, on paiera.”
Puis après, j’ai intégré l’ENA pour deux ans. Mon cursus, réservé aux étrangers, était presque le même que celui des Français, à ceci près que les étrangers ne sont pas payés pendant leurs stages obligatoires et qu’à la sortie ils ne trouvent pas de boulot.
En fait, à la fin de l’ENA – puisque c’est un programme de coopération internationale – les étrangers sont sensés rentrer dans leur pays et faire bénéficier leur pays d’origine de tous les enseignements qu’ils ont reçu. Problème, ils ne sont pas accompagnés ni suivis… contrairement aux Français, pour qui on organise même des entretiens obligatoires avec des chasseurs de tête à la fin du cursus (des entretiens qui ne leur servent à rien puisqu’ils obtiennent leurs postes en fonction de leur classement). […]
J’ai 27 ans, je suis partie de chez mes parents à 18 ans et je me retrouve à les appeler pour leur dire que je vais rentrer au Maroc, faute d’avoir trouvé un travail. Ils paniquent, ils ne comprennent pas la situation. Pour eux, vu l’argent qu’ils ont mis dans mes études, j’aurais dû m’en sortir sans problème.
C’était il y a un an. Aujourd’hui, j’ai trouvé du travail dans une usine. Mais selon un décret royal, en étant diplômée de l’ENA, j’avais le droit automatiquement à un poste auprès de l’État marocain. On m’a expliqué que ce décret ne s’appliquait plus, mais que je pouvais frauder le concours pour obtenir ce poste – auquel j’avais normalement droit. J’avais juste à venir le jour de l’épreuve, écrire mon nom en arabe sur la feuille et prévenir les responsables de mon passage. […]