L’organisation État islamique ne s’arrêtera pas à la Tunisie. Les plages du sud de l’Europe et les eaux de la Corse pourraient être de prochaines cibles.
Par Michel Colomès
Même si le sujet a été l’un des dossiers sensibles du sommet franco-italien qui s’est tenu ce samedi à Caen, Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian répugnent à l’évoquer publiquement.
C’est pourtant un sujet de préoccupation majeur pour l’été à venir
: la menace des djihadistes qui opèrent en Libye et s’attaquent désormais aux pays voisins, comme on l’a vu à Tunis, au musée du Bardo, pèse sur les eaux et les côtes de la Méditerranée.
D’autant que les terroristes pourraient
profiter du drame humain que constitue l’afflux de milliers de réfugiés, de Syrie, du Yémen, d’Érythrée, qui, depuis des mois, se déversent sur les côtes sud de l’Europe,
sans que les gouvernements concernés, italiens ou grecs, ni non plus les responsables européens de l’Union européenne aient trouvé une parade suffisante à cette marée de misère et de peur.
Ce sont des amiraux, ayant eu de hautes fonctions dans l’Otan, qui ont pointé du doigt la menace. “Si j’avais un yacht de plaisance et l’intention de naviguer cet été en Méditerranée, je serais inquiet pour ma sécurité”, a ainsi déclaré l’amiral britannique Chris Parry.
“Les côtes italiennes, les rivages européens les plus proches de la Libye, vont devenir des endroits à haut risque”,
a renchéri l’amiral américain Jim Stavridis. Pour lui, il n’y a aucune raison pour que la Méditerranée ne devienne pas, après l’océan Indien, le golfe de Guinée ou le détroit de Malacca, un nouveau terrain d’action pour la piraterie.
Méthodes barbares
Sauf que les pirates ne seront pas des bandits de haute mer,
comme au large de la Somalie, mais se réclameront de l’organisation État islamique et brandiront l’étendard noir du djihad.
Avec les méthodes barbares que l’on voit appliquées en Syrie ou en Irak.
Il suffit pour cela de quelques “speedboats”, comme ceux utilisés dans l’océan Indien. Avec deux avantages pour les assaillants par rapport aux pirates qui sévissent ailleurs : ils ont un armement bien plus sophistiqué, avec notamment des lance-roquettes, voire des missiles mer-mer. Et des réserves presque sans limites puisqu’ils peuvent s’approvisionner dans les arsenaux laissés par Kadhafi.
Et surtout, ils peuvent s’abriter derrière les bateaux de migrants qui tentent de rejoindre les côtes italiennes ou grecques et éviter ainsi de se faire repérer trop tôt par les garde-côtes.
L’autre danger est que les djihadistes se servent précisément de ces bateaux-poubelles de réfugiés pour introduire dans leur cargaison humaine des hommes en armes susceptibles d’aller faire des opérations terroristes sur les côtes ou les plages du sud de l’Europe. Et même, envisage Stavridis, l’ancien commandant en chef de l’Otan,
pour s’emparer d’une île grecque ou italienne.
L’Europe désemparée
Le pire est que, devant cette menace,
l’Europe paraît aussi indécise que désemparée.
Après avoir laissé pendant des mois les Italiens se débrouiller quasiment seuls face à l’afflux de réfugiés à Lampedusa, huit pays de l’UE, dont la France, ont monté depuis l’automne dernier une opération baptisée Triton, censée prendre le relais du Mare Nostrum des Italiens.
Mais les moyens, faute d’intérêt et de soutien des pays européens du Nord qui ne se sentent pas concernés, restent extrêmement faibles :
vingt et un navires, dont certains ne sont même pas de haute mer, quatre avions d’observation et un hélicoptère. Pire, les unités de l’exercice Triton sont censées mettre en place une sorte de bouclier marin le long des côtes européennes, et en aucune façon d’aller de l’autre côté de la mer repérer les bateaux de migrants au moment où ils viennent d’appareiller.
Au sommet de Caen, Français et Italiens devaient discuter de la possibilité de renforcer Triton en faisant appel aux marines égyptienne et tunisienne pour surveiller les cargos-poubelles, et les éventuels bateaux de type “speedboats” au départ des côtes africaines.
Encore faut-il que nos partenaires européens comprennent enfin que le cancer du fanatisme islamique, qui ravage le Proche-Orient depuis deux ans, est en train de développer des métastases en Afrique du Nord, c’est-à-dire à nos portes.