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Surinformés sur la boulimie de Google, vous en avez certainement perdu les grandes lignes de sa stratégie : fusionner l’homme et la machine. Ils sont déjà à mi-chemin. Le premier back-up de votre cerveau est prévu pour 2035. 20 ans. Il s’agit de tenir jusque-là, en attendant G Brain…

Cherchant un sujet de prospective pour les fêtes, histoire de plomber l’ambiance festive, vous découvrez accidentellement que Barack Obama pourrait être nommé président de Google à un poste plus ou moins exécutif aux alentours de 2020.

Une probabilité, une évidence, même.

Rien dans la constitution américaine n’interdit à un ancien président de l’ancienne première puissance mondiale de devenir président de la nouvelle puissance mondiale.

Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion hâtive et risquée ?

Vous vous êtes fait cette réflexion après avoir regardé une conférence en vidéo, faite par un geek devant d’autres geeks, sur les conseils d’un autre geek, qui vous en a envoyé le lien en même temps qu’il vous en parlait.

Qu’est ce qu’un geek ? C’est quelqu’un qui fait corps avec la machine et qui sait l’adapter à soi. Les meilleurs savent même la programmer. Le code et l’anglais sont leurs premières langues.

Aussi sûr qu’entre le socialisme et le libéralisme il y avait le plan, comme disait Michel Rocard, entre l’homme et la machine, il y a le geek.

D’un certain point de vue, on peut considérer que le geek est l’ancêtre de l’homme de demain, son homme préhistorique, la première interface homme/machine.

Longtemps, on s’est moqué d’eux, parce qu’ils sont ailleurs. Ils sont effectivement ailleurs, occupés à vivre au futur et, pour les meilleurs d’entre eux, à le construire.

Entre geeks, vous parliez futur, et c’est là qu’il vous a envoyé le lien d’une conférence sur les neuro-révolutionnaires, Google et l’idéologie transhumaniste.

Le transhumanisme, un mot déjà vaguement entendu, qui sonne comme transhumance. Et alors, vous pensez moutons, et vous n’avez pas tort. D’un clic, vous googlisez le mot. Wikipedia, le mouton noir du web, vous répond.

Le “transhumanisme” est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques, ainsi que les croyances spirituelles afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains.

Le transhumanisme considère certains aspects de la condition humaine tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables. Dans cette optique, les penseurs transhumanistes comptent sur les biotechnologies et sur d’autres techniques émergentes.
Les dangers comme les avantages que présentent de telles évolutions préoccupent aussi le mouvement transhumaniste. Le terme “transhumanisme” est symbolisé par “H+” et est souvent employé comme synonyme d’“amélioration humaine”.

En résumé, une idéologie science-fictioniste qui met le sort de l’homme entre les mains d’Hall 9000.

*

2001, l’odyssée de l’espace, 2045, l’odyssée de l’espèce, voilà en moins de 140 signes, ce que démontre le conférencier en une heure et neuf minutes.
Le scénario qu’il développe n’est pas hypothétique, il est en cours de réalisation. Il ne prophétise pas, il éclaire une évidence.

Surinformé, vous aviez perdu les grandes lignes et vous ne le remercierez jamais assez.

Le transhumanisme va devenir le point de clivage idéologique mondial, d’un côté les riches, les libéraux et les geeks, de l’autre, les religieux, et au centre, la plèbe.

Pour ou contre la vie augmentée ? Le temps que vous vous posiez la question, une nouvelle application est née, que vous téléchargerez bientôt sur votre smartphone.

D’un clic, un conférencier apparaît que je n’ai pas pris le temps de googliser, parce que j’aime bien ne pas savoir qui me parle, pour me faire un avis avant de prendre celui des autres. Se faire imposer l’avis des autres est-il une avancée ? Certainement pas.

Cet inconnu qui a une bonne tête de chercheur français, m’explique avec passion et méfiance, mieux qu’un PowerPoint, la stratégie de Google, ses avancées multiples dans la fusion des IT et des neurosciences, éclaire la stratégie qui motive ce qui semblait être une simple frénésie de rachats hégémoniques et mégalomanes.

J’aurais pu faire une synthèse puisque j’ai pris des notes, mais j’ai soudain conscience que ce qui importe, ce ne sont pas les faits, c’est la prise de conscience qu’on a d’eux et de leurs conséquences.

Il n’est pas anodin que l’efficacité avec laquelle, en une heure de temps, le message est passé, repose sur le média utilisé : une conférence vidéo virale via Internet.

Je me souviens alors de Epic 2014, un petit film envoûtant qui, en 2004, racontait plus ou moins la fin des médias au profit de Google et Amazon. Cette conférence est comme une suite à Epic 2014.

Devant un parterre de geeks, un conférencier inconnu explique donc que bientôt, très bientôt, les sciences informatiques auront fusionné avec les sciences du cerveau, et qu’à ce jeu, c’est Gafa (Google Apple Facebook Amazon) qui prend le contrôle des neurotechnologies, que le nouveau territoire des hackers, c’est le cerveau, l’ultime frontière.

Ça ne devrait pas prendre trop de temps : le neurone a 550 millions d’années tandis que le transistor a 60 ans. Or, si le neurone a peu évolué, le transistor se rapproche des performances du cerveau humain et la puissance des serveurs informatiques a été multipliée par un milliard en 35 ans.

En face, la connaissance scientifique du cerveau est récente, très récente. Tout juste admet-on que ce sont les neurones qui produisent l’âme, pas la transcendance.

L’algorithme face à la croyance. Des guerres de religions en perspective. L’avant-garde contre l’arrière-garde. Le XXIe siècle sera celui du neuro-business et Google est déjà leader de ce marché, fusion de l’informatique et du cognitif.

Le cerveau est un système particulier, mais il reste un système binaire, ce qui autorise aussi bien l’intelligence artificielle que le transfert du cerveau sur des microprocesseurs.

Bientôt, il est probable que nous pourrons faire un back-up de notre cerveau.

De là à imaginer que nous partagerons notre cloud avec notre ordinateur, il n’y a qu’un pas que nous franchirons sans hésiter, d’autres pas. C’est prévu pour 2035. Dans vingt ans pile. Il s’agit maintenant de tenir jusqu’au back-up.

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2035, c’est une prédiction ? Non, c’est une prévision de Ray Kurzweil, le pape du transhumanisme. Sa Wikibio raconte une légende, un pitch hollywoodien :

“Ray Kurzweil est né et a grandi dans le Queens, à New York. Son père est musicien et chef d’orchestre, et sa mère peintre. Tous deux sont des juifs laïques originaires d’Europe qui ont quitté l’Autriche peu avant la Seconde Guerre mondiale. Son éducation est marquée par l’éclectisme religieux au sein d’une église unitarienne. À 5 ans, il conçoit ses propres modèles réduits de bateaux, de voitures ; il s’essaie même, sans succès, à la construction d’un vaisseau spatial.

C’est son oncle, ingénieur dans les Laboratoires Bell, qui l’initie à l’informatique.

À 15 ans, il met au point un logiciel de reconnaissance de thèmes musicaux analysant les œuvres de compositeurs classiques, puis synthétisant ses propres chansons en imitant leurs styles. Les capacités de programme sont telles qu’en 1965, Ray est invité sur la chaîne CBS à participer à l’émission I’ve Got a Secret, où il interprète au piano une œuvre composée par un ordinateur de sa propre fabrication ; la même année, il gagne pour cette invention le premier prix de l’International Science Fair, et est également distingué par le Westinghouse Talent Search.

En 1968, durant sa deuxième année d’études au MIT, il crée sa première entreprise, utilisant un programme informatique de sa conception pour orienter les étudiants vers des établissements d’enseignement supérieur. Ce programme, appelé Select College Consulting Program, croise les réponses à un questionnaire rempli par chaque étudiant avec des milliers d’éléments associés à chaque établissement. Peu de temps après, il le revend au groupe Harcourt Brace. Il obtient en 1970 une licence (Bachelor of Science) en informatique et littérature.

Kurzweil fut le développeur principal du premier OCR reconnaissant toutes les polices, du premier relecteur d’écran pour les non-voyants, du premier instrument électronique capable de recréer le son d’un piano à queue et d’autres instruments d’orchestre, ainsi que d’un système de reconnaissance vocale. Il ne créa pas moins de neuf entreprises dans le secteur du traitement de signal.

Il est notamment président fondateur de la Fondation Kurzweil, soutenant le développement de technologies destinées aux personnes handicapées.
Il est aussi (en 2006) membre du conseil d’administration du Massachusetts Institute of Technology.

En décembre 2012, il annonce qu’il rejoint Google pour travailler à de nouveaux projets impliquant ‘l’apprentissage automatisé et le traitement du langage’.”

Oui, Google a embauché le pape du transhumanisme. La transhumance peut s’accélérer.

(…)

lenouveleconomiste.fr

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