L’écrivain Olivier Adam fustige les abstentionnistes, “enfants gâtés de la démocratie”, et la classe politique satisfaite par le score du FN, moins haut que prévu par les sondages.
Si le FN suscite l’adhésion enthousiaste de nombre d’électeurs, c’est précisément en raison de ses obsessions identitaires, sécuritaires et de sa fibre xénophobe.
Une vision moisie et délirante du pays, puisant dans les bas-fonds des plus bas instincts du repli, du rejet et de la stigmatisation. Celle d’une France constituée de blocs communautaires inconciliables, d’identités, de religions, de cultures inmélangeables et nécessairement conflictuelles, une France blanche aux racines chrétiennes en voie de désintégration, d’invasion, de disparition, une France éternelle menacée et inquiète, dont il faudrait défendre l’identité et le mode de vie (lequel ? bouffer du saucisson en buvant du gros rouge devant Patrick Sébastien ?) , dans laquelle il faudrait se fondre, qu’il faudrait s’engager à aimer ou à quitter. Un pays de merde, en définitive. Comme dirait l’autre. Qui, heureusement, n’a jamais existé.
Il nous en faut peu, désormais. On se rassure à moindre frais. On a le sentiment du sursaut démocratique facile, le soulagement républicain pas trop regardant. Un Français sur deux est allé voter dimanche. Ouah ! Félicitations les gars ! Quant aux abstinents, abstenons-nous de juger. Il ne faudrait surtout pas froisser les enfants gâtés de la démocratie. C’est vrai que ça demande un sacré effort de lever son cul du canapé pour se rendre aux isoloirs. Et puis, comme le soulignent les commentateurs, ils ont de sérieuses excuses : personne ne les représente, personne ne défend leurs idées, personne ne parle en leur nom. Compatissons. […]
En attendant, il paraît qu’il faut se réjouir du score du FN. C’est vrai, quoi, Manuel. 26%, c’est rien. C’était pas la peine de te mettre dans tous tes états.
(On peut sourire, se moquer, mais moi, je l’ai aimée cette main qui tremble. Je les ai aimés cette fureur, cette indignation, cet ulcère, ce dégoût viscéral. C’est même ce que j’ai préféré chez Valls depuis qu’il est en poste). Et là encore on comprend. On paternalise. On rivalise de condescendance. Ces gens ne savent pas ce qu’ils font. Ils n’adhèrent pas. Ils expriment une colère, une exaspération, un désarroi. […]
C’est pas comme s’ils savaient lire. Comme s’ils étaient dotés d’un cerveau. Et puis, ce n’est pas non plus comme si depuis des mois, des années, les radios, les journaux, les télévisions parlaient en boucle du FN. Décryptaient à longueur d’éditos, de commentaires, d’analyses, leurs propositions, leur stratégie, leurs idées. Pas comme si tout ça était décortiqué, relayé, seriné, soutenu, contredit, expliqué, soupesé à longueur de journée.
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