Sylvain Crépon, enseignant-chercheur à l’Université de Tours, analyse les résultats des élections départementales et le discours du FN sur la laïcité qu’il estime être à « géométrie variable ».
Le FN véhicule une laïcité à géométrie variable. Quand il s’agit du catholicisme, exprimer sa foi dans l’espace public ne pose aucun problème car cela fait partie de notre culture. Pour les autres religions, c’est différent. Cela explique par exemple la déclaration de Marine Le Pen sur sa volonté d’interdire le port de la kippa dans la rue. Ce discours est très adroit car il existe de réels problèmes de cohabitation entre certaines minorités, ou dans le rapport de certaines minorités au reste de la société. Mais le FN oppose sa vision nationaliste sous une tournure républicaine, ce qui contribue à rendre son discours audible.
Quelle place tiennent ces élections dans la stratégie de conquête du pouvoir de Marine Le Pen ?
Ces élections tiennent une place très importante, au même titre que les municipales de l’an dernier et des régionales de décembre prochain. Elles témoignent de la différence de stratégie radicale entre Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen. Ce dernier avait une stratégie axée sur la présidentielle et la mise en avant de sa personne. C’est quelqu’un qui n’a jamais pris la peine de tisser un réseau d’élus locaux. Et sans cela, on ne peut pas peser sur la politique et arriver au pouvoir. […]
L’un des thèmes de campagne du FN a été la lutte contre le communautarisme. Que recouvre cette notion dans la bouche de Marine Le Pen ?
Le principe du droit du sang, tel que voudrait le mettre en place le FN, repose sur une vision ethnique de la nationalité. Ce qu’elle appelle la « priorité nationale », et qui est en fait la préférence nationale, s’appuie sur la même logique. Ce sont des principes anticonstitutionnels et contraires aux valeurs républicaines.
Mais le fait d’inscrire le FN dans la lutte contre le communautarisme est très important car cela permet de républicaniser la xénophobie et de donner un visage républicain au rejet de l’autre.
On dit que l’islam ne veut pas s’intégrer, développe une forme de communautarisme qui ne s’assimile pas et qu’il faut réfléchir à un moyen de l’écarter ou bien de l’assimiler totalement. Cette conception est contraire aux valeurs de la laïcité car celle-ci n’est pas, au regard des articles 1 et 2 de la loi de 1905, l’opposition à la religion ou l’évacuation de la religion de l’espace public. […]