Pour Gilles Savary, député socialiste de la Gironde, membre du “pôle des réformateurs”, il est temps pour la classe politique d’écouter les Français qui votent FN.
Il est temps pour la classe politique d’écouter, plutôt que d’enjoindre, et d’analyser les ressorts profonds qui ont poussé de nombreux Français, qui n’ont rien de fascistes organiques, dans les bras faussement bienveillants du populisme xénophobe.
Quand on fait le compte de l’abstention et de l’irrésistible marée montante du FN, on est pris de vertige par le décrochage de l’électorat vis-à-vis de sa classe politique.
Depuis l’élection départementale de dimanche dernier, rien n’est comme avant, mais tout est comme avant. Depuis dimanche dernier, le spectre du Front National est devenu une alternative menaçante. Il ne suffira plus désormais de convoquer les formules magiques des grands exorcistes d’appareil pour effaroucher l’électeur.
Sur le terrain, en particulier dans le monde rural, dont la conversion au FN est en marche depuis 2008, les moteurs du vote FN sont de trois ordres :
En premier lieu, les désillusions de l’exode urbain. De très nombreuses familles de salariés et de cadres moyens ont fait le choix de quitter la ville, au foncier inaccessible, pour accéder à la propriété dans les zones rurales, loin de leurs emplois et du voisinage immédiat de tous les services. Ils y ont trouvé des coûts et des temps de transport qui dégradent leurs conditions de vie familiale et leurs pouvoirs d’achat. […]
En second lieu, un sentiment aigu de dévalorisation du travail en regard de la «générosité» des aides sociales exaspère le vaste monde des travailleurs modestes (ouvriers, salariés, cadres moyens, artisans, commerçants, agriculteurs, travailleurs de la mer…) qui nourrissent à tort ou à raison l’amertume de vivre trop chichement d’un travail honnête et exigeant, rançonné par des prélèvements excessifs. […]
Enfin, la peur de l’islamisation, que l’on doit distinguer du racisme et éviter de caricaturer, s’est progressivement et profondément installée dans les esprits, y compris géographiquement très éloignés des événements dramatiques de janvier dernier.
Face aux séductions xénophobes et sécuritaires qu’exerce le Front National sur le terreau de ces peurs identitaires, alimentées en continu par un bombardement médiatique émotionnel, une pédagogie rassurante, mais déterminée, de la République et de la laïcité, servie par un renouveau de l’éducation civique et historique, est nécessaire, tant aux Français musulmans qu’aux «Gaulois qu’ils effarouchent, pour restaurer ou plus simplement conserver le privilège et la qualité incomparable de notre «vivre ensemble» républicain. […]
